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Critique de nadejda


Elif Shafak rend hommage à travers ce roman à l’architecte en chef de l’empire ottoman, Sinan, né dans une famille chrétienne d’origine arménienne ou grecque, qui aura servi trois sultans : Soliman le Magnifique, Selim II et Mourad et permis, par l’ampleur des travaux qu’il aura dirigés, l’assainissement et l‘embellissement d’Istanbul au cours du 16e siècle.
« L’architecte du sultan » se déroule entre 1546 et 1632, sur un fond historique avec des personnages qui ont réellement existé. Sinan a eu une longue existence, il est décédé en 1588 à l’âge de 99 ans. On est étonné devant une telle longévité et surtout qu’il ait pu occuper ce poste élevé si longtemps car les intrigues, les jalousies au sein du sérail de Topkapi rendaient souvent le maintien à de telles fonctions très précaire.

Mais c’est aussi un conte oriental, plein de péripéties, de cruauté, d’amour et de sagesse, centré sur le jeune Jahan, personnage fictif, qui va, au cours d’un voyage mouvementé qui le conduira de L’Hindoustan où il est né à Istanbul, suivre Chota un éléphant blanc offert par l’empereur Moghol Humayun au Sultan Soliman le magnifique. Car Chota est pour lui comme un frère de lait. Il a participé à sa naissance, l’a nourri. Il ne veut en être séparé à aucun prix et réussira à rester auprès de lui comme cornac.

C’est l’éléphant blanc qui en attisant la curiosité de la princesse Mihrimah fille unique de Soliman et Roxelane provoquera la rencontre de Jahan et de celle à laquelle il vouera un amour absolu.
« Outre son sourire, elle apportait des friandises pour l’éléphant —  non pas des poires et des pommes mais des confiseries royales : figues fourrées de crème épaisse, sorbet à la violette, massepains à la confiture de rose ou ces châtaignes cuites dans le miel… Chaque fois que les moeurs du sérail lui déplaisaient ou la décourageaient, elle venait rendre visite à l’animal blanc. Emerveillée, elle observait Chota avec l’air de se demander comment une créature aussi puissante pouvait se montrer si docile. L’éléphant était le sultan de la ménagerie, pourtant il ne ressemblait en rien à son père. »

C’est encore l’éléphant qui permettra à Jahan de devenir l’apprenti de celui qui n’est pas à cette époque le maître des travaux publics de l’empire. L’aide de Chota fera gagner du temps lors d’une campagne militaire en Moldavie pour édifier en dix jours un pont sur la rivière Prut. La construction proposée par Sinan ayant été une réussite sera pour lui le début de sa longue carrière au service su sultan.

Jahan est curieux et fait confiance trop facilement, ce qui dans une ville comme Istanbul et au sein du palais va lui amener bien des ennuis. Heureusement pour lui, associée à la protection pleine de sagesse, de douceur et de fermeté de Siman qui le forme, il aura aussi celle du chef des gitans, Balaban, qui l’aidera à sortir de bien des traquenards dans lesquels il tombe souvent par manque de méfiance mais aussi par orgueil.
Sinan lui dira : « Quand je t’ai vu, je me suis dit que tu avais une excellente tête sur les épaules, et que tu apprendrais vite, si seulement je pouvais te détourner des mauvaises habitudes, du passé, et te diriger vers le futur »
Et Balaban au terme de son séjour à Istanbul lui dira en soupirant : « Désolé que tu partes. Soulagé que tu partes. Tu es trop confiant pour survivre à Istanbul, frère. »

J’ai lu ce roman presque d’une traite. Il est d’une grande richesse à la fois par l’attachement qu’il fait naître entre le lecteur et les différents personnages : Jahan, Chota, Mihrimah, Sinan, Balaban le chef gitan mais aussi par un habile dosage de mystères tout au long du récit (dont il faudra attendre presque la fin pour qu’ils soient révélés).
Ajouté à cela, la fascination pour Istanbul où tous les sens sont sollicités, où les rumeurs courent régulièrement, où la peste vient faire par deux fois des ravages. Istanbul raffinée et sordide, ville de savants où la superstition règne, riche par son cosmopolitisme et le mélange bigarré de religions et de peuples qui s’y croisent et y demeurent ; richesse et grouillement de vie d’une ville, pont entre orient et occident.

Un grand merci pour ce beau moment de lecture aux éditions Flammarion et à Babelio.

A lire en complément un guide littéraire qu’Elif Shafak a accepté de faire pour l’exposition qui se déroule à Bruxelles jusqu’au 31 mai 2015 « L’empire du sultan, le monde ottoman dans l’art de la Renaissance » où figure une gravure qui a été à l’origine de ce livre recoupant cette exposition que malheureusement je ne pourrai pas voir.
La plaquette composée par Elif Shafak est téléchargeable ainsi que le guide du visiteur à ce lien :
http://www.bozar.com/activity.php?id=11618
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