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Critique de Darkcook


Lassé par le polar pour le moment, je me tourne vers ma bibliothèque en quête d'un classique et d'un retour aux belles lettres, comme un malheureux dans le désert qui se damnerait pour un océan... et mes yeux tombent sur Richard II. Richard II. Mais tout le monde parle de Richard III, de Shakespeare, un psychopathe complètement fou, du peu que j'en sais, proche de Macbeth, mais très rarement d'un II. L'appel de l'Angleterre qui ne me quitte jamais, en plus de cette curiosité vers une pièce et un personnage quelque peu oubliés, tout cela ne fait ni une ni deux, et je me jette sur le texte.

Pur régal, je n'avais plus lu de Shakespeare depuis plus de deux ans, et retrouver ce Dieu de la littérature, ce maître de la sagesse, est un plaisir absolu. On est pourtant pas dans ses très grandes pièces, mais c'est du haut niveau à mon goût, bien plus intéressant que Le Marchand de Venise ou Le Conte d'Hiver à mes yeux. Je lance quand même un avertissement : jusque-là, j'aimais à lire Shakespeare dénué de tout contexte historique, dégustant son intemporalité de tous les instants. Mais avec ses pièces historiques, on est obligé de se reporter aux préfaces et notes, car si l'on ne connaît pas les souverains dont il est question, on ne comprend rien, et même le contraire de ce qui se dit en réalité!! J'étais dans le contresens total au tout début de la pièce, et il m'a fallu les métatextes de l'édition pour me remettre sur les rails. Que cela ne vous arrête pas, cela ne limite point la portée de la pièce aujourd'hui, le grand William reste le grand William, ses répliques de 1595 résonnent encore en 2016, je pense notamment à celles sur l'impôt subi par le peuple.

Parlons du fameux Richard II. Qu'est-ce qui le distingue, parmi la galerie des grands personnages shakespeariens? Eh bien ma foi, c'est un roi couard. Docteur ès indécision, il tangue perpétuellement, tourne en rond, n'a de cesse de revenir sur ce qu'il vient de dire et de changer de position dans une même scène voire une même réplique, et vous pousse, tel un prof enragé, à vouloir tracer une énorme accolade rouge sur la page pour réprimer ses contradictions!! Son entourage d'individus plus ou moins recommandables, qui l'influencent dans un sens puis dans l'autre, n'arrange rien. Rien à voir avec les diaboliques Macbeth ou Richard III!!

Après avoir exilé Bolingbroke (futur Henry IV d'Angleterre), profité sans vergogne de l'héritage que lui avait laissé son père Jean de Gand, Richard part attaquer l'Irlande... et laisse l'Angleterre à la merci de Bolingbroke qui revient s'en emparer et rallier tous les amis du roi. Richard revient sur une terre qui n'est plus à lui, et s'enfonce toujours plus dans ses délires antiphrastiques. Lui qui au début était simplement dans le compromis, va jusqu'à remettre en cause sa légitimité, le pouvoir de la couronne et même de l'homme, pour les revendiquer à la réplique suivante, et s'agenouiller à nouveau lorsque Bolingbroke réclame sa reddition. Sa folie n'est ni gratuite ni artificielle, sa peur et ses réels questionnements métaphysiques demeurent palpables pour le lecteur, je l'ai même trouvé plus réussi psychologiquement et plus sympathique que le Roi Lear. Ses allers et retours dans ses raisonnements sont la plupart du temps comiques ou irritants, on le déteste pour ses exactions indignes au début, puis à la fin, on prend en pitié ce roi d'un temps, totalement déchu, responsable de sa chute, réduit à peau de chagrin, à un pauvre hère qui questionne tout et n'est plus sûr de rien...

Du très bon Shakespare, en somme. Quelques passages et personnages secondaires à élaguer, mais c'est tout. Sachez qu'il s'agit de la première pièce d'une trilogie continuée par Henry IV et Henry V, que je n'ai point... Mais je vais tout de même continuer à me balader ainsi avant de revenir aux polars contraints par la thèse.
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