AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de DragonLyre


Aaron habite dans une tour qui ne paie pas de mine, dans un quartier non moins reluisant. Il dort avec son frère à l'étroit dans le salon, pendant que leur mère croule sous ses deux emplois. Elle lutte malgré tout pour boucler les fins de mois depuis le suicide de son mari, et redoute qu'Aaron repasse lui aussi à l'acte après sa tentative ratée. Ce dernier commence à peine à retrouver ses marques, entre sa petite-amie Geneviève et sa bande de potes avec qui il organise des jeux en extérieur pour tromper l'ennui. Au détour d'une partie de chasse à l'homme, Aaron rencontre Thomas et tous deux se découvrent très vite des atomes crochus. En l'absence de Geneviève, partie en camp de vacances, Aaron passe de plus en plus de temps avec Thomas, geek et rêveur tout comme lui. Mais Aaron finit par comprendre que derrière cette amitié flamboyante, se cache un sentiment plus profond, plus intime. du moins, le concernant. Dans une banlieue où l'intolérance et l'homophobie font rage, Aaron pourra-t-il faire son coming out sans en payer le prix fort ?

D'après une note de l'auteur, il s'agit ici d'un de ses premiers romans, qui était quelque peu passé à la trappe avant que sa carrière ne décolle. le texte a été retravaillé et la fin modifiée, par rapport à la version originale. J'avoue que pour moi, ça ne changeait pas grand-chose. Je n'avais pas encore eu l'occasion de lire une oeuvre d'Adam Silvera. Sur la forme, je n'ai honnêtement pas trouvé sa plume exceptionnelle. le ton est plaisant, mais en dépit de quelques jolies figures de style, il reste très commun et les avalanches de « putain » au coeur d'une même phrase n'aident pas à personnaliser une écriture quand un seul aurait suffi sans rien enlever à la crédibilité des dialogues.

En revanche, sur le fond, j'ai pris une grosse claque ! Adam Silvera nous parle de choix qui n'en sont pas. Aaron évolue dans un milieu typique de la masculinité toxique. Il lui est difficile d'exprimer qui il est réellement sans risquer de tout perdre. Son coming out est d'autant plus compliqué à aborder qu'il vient de faire l'amour pour la première fois avec Geneviève et qu'il n'est pas sûr que ses sentiments naissants pour Thomas soient réciproques. Il est encore jeune et traverse une période qui le rend très vulnérable, comme le prouve son attention qui dérive régulièrement vers la cicatrice sur son poignet. Cet imbroglio d'angoisses et d'attentes le pousse à adopter des comportements assez limites. Il se sert notamment de Geneviève pour couvrir ses arrières et masquer cette homosexualité qu'il ne parvient plus à refouler, mais l'auteur développe si bien son protagoniste qu'il est difficile de lui en vouloir. Pris en tenaille entre ses amours non conventionnels et son envie désespérée d'une vie on ne peut plus normale, Aaron ne voit plus qu'une seule issue à ses tourments : se tourner vers une solution aussi miraculeuse que controversée… S'il lui est impossible de vivre un jour heureux avec Thomas, alors il doit l'oublier, purement et simplement. N'y parvenant pas de lui-même, il veut faire appel à la science pour (re)devenir hétérosexuel.

La dimension fantastique ne vient que sur le tard. Ébauchée par petites touches au fil des chapitres, l'existence de Leteo prend néanmoins de plus en plus d'ampleur dans la seconde moitié de l'ouvrage. Cette société qui – contre espèces trébuchantes – promet de vous faire oublier tous vos malheurs. Un tour en salle d'opération et les souvenirs ciblés sont effacés à tout jamais ! Soyons honnêtes : qui n'a pas un jour rêvé de tout défaire en appuyant sur une sorte de bouton magique qui permettrait de réinitialiser notre mémoire pour en écarter une mauvaise rencontre, un deuil ou un traumatisme ? Pour aller de l'avant sans souffrance, renouer plus facilement avec le bonheur ? C'est là tout l'intérêt d'avoir introduit cette innovation médicale dans ce roman. Ce pas de côté avec la réalité telle que nous la connaissons n'en est pas le thème central. Il n'en est qu'un levier, qui souligne le propos de l'auteur et valorise le dilemme humain auquel plusieurs de ses personnages sont confrontés. Adam Silvera nous prouve avec adresse que les souvenirs font partie intégrante de ce que nous sommes et que nous en défaire se révèle souvent à double tranchant.

L'auteur m'a complètement prise au dépourvu quand, au détour d'une scène des plus violentes, j'ai réalisé que je n'étais pas à l'aube du parcours d'Aaron, mais à son crépuscule. La machine s'emballe, les pièces du puzzle s'emboîtent et on comprend d'autant mieux la souffrance inhérente à son jeune protagoniste. L'histoire revêt alors un manteau cruel et mélancolique, mais terriblement humain aussi, car Adam Silvera vise juste dans les valeurs morales qu'il choisit de mettre en avant. « Plus heureux que jamais » nous offre ainsi une belle leçon de vie, d'acceptation de l'autre et de soi-même. Il nous encourage à accueillir le bon comme le mauvais pour trouver notre équilibre. Après nous avoir déchiré le coeur avec les supplices subis par Aaron, il nous console et nous mène avec lui, main dans la main, vers une vérité universelle qui parlera à chacun, peu importe nos vécus respectifs.
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}