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Critique de Nastasia-B


Demain les chiens se présente sous la forme de huit épisodes, de huit sections d'un ensemble plus vaste. (Rappelons qu'à une certaine époque, il était fort difficile de faire publier de la science-fiction, que les auteurs arrivaient parfois à glisser ici ou là, dans une revue pulp, une nouvelle ou un texte court. Ça n'est que plus tard qu'on demanda aux auteurs de réunir leurs textes pour les éditer sous forme de romans. D'où ces formes parfois assez bâtardes, aux sutures imparfaites, qu'on nomme, paraît-il des " fix-up ". Ici, je ne sais trop comment nommer ces tronçons, en tout cas, pas huit nouvelles ni huit contes car chacun d'eux n'aurait aucune raison d'être, s'il était séparé des sept autres.)

L'autre raison de ce fractionnement est peut-être à rechercher dans le fait que la narration est censée se dérouler sur quelque chose comme 12000 ans (un peu plus, un peu moins, on n'est plus à cela près). On imagine assez qu'il est difficile de suivre un même personnage sur une période aussi longue.

C'est pourtant ce qu'essaie de faire l'auteur, Clifford Simak, (de façon assez poussive et tirée par les cheveux d'après moi) en nous faisant suivre différents représentants d'une même famille (les Webster) et un robot à la longévité surnaturelle (surartificielle devrait-on plutôt dire) nommé Jenkins.

Ce faisant, l'auteur s'embarrasse (et nous embarrasse au passage) de sortes de présentations avant chaque tronçon narratif, qui seraient censées être des commentaires effectués par des chiens à propos des événements relatés, dont ils se demandent s'ils sont ou non légendaires, et si l'humanité a bel et bien existé ou si elle n'est finalement qu'un mythe.

Ces passages, ces sutures maladroites, ces bourrelets cicatriciels, m'ont profondément ennuyée et n'apportent selon moi, absolument rien à l'ensemble, surtout pas de la crédibilité. Pour le reste, je trouve que le fond de l'ouvrage est intéressant : l'auteur nous interroge sur l'humanité et ses travers, lesquels travers sont, selon lui, absents ou largement atténués chez les autres animaux, notamment les chiens.

Selon lui encore, les robots créés par les humains sont plus moralement acceptables que les humains et leurs fameux travers : les robots se contentant d'agir pragmatiquement et " scientifiquement ".

Que l'humain soit bardé de défauts et relativement infréquentable en tant qu'espèce, ça je suis bien prête à le reconnaître et à m'engager dans le même sens que l'auteur. En revanche, que " l'humanité " des animaux ou des robots soit recommandable, là, j'éprouve quelques doutes.

Commençons par les machines. Cela tombe bien car en ce moment, on est en plein remplacement des humains au travail par des machines, et l'on peut dire sans grand parti pris que les réponses des robots sont parfois totalement inhumaines car elles ne tiennent pas compte des cas particuliers.

Si votre orientation universitaire est pilotée par une machine, faut-il espérer qu'elle soit plus " humaine " que dans le cas d'un dialogue humain avec les différents intéressés (universitaires et étudiants) ? Si votre praticien (médecin, avocat, etc.) est une machine, est-ce à dire qu'elle sera vis-à-vis de vous plus humaine, plus compréhensive de votre situation particulière ? Je n'en ai malheureusement pas l'impression.

Venons-en maintenant au cas des chiens (ou de tout autre animal). La notion d'intérêt particulier est-elle absente dans les prises de décisions de ces animaux ? Ne sont-ils capables de tromperies ou de dissimulations ? On sait que des animaux aussi éloignés de l'être humain que le corbeau ou le poulpe ont déjà des aptitudes effrayantes dans ce domaine. Alors qu'en serait-il des chiens, des orques ou des singes ? (Celles et ceux qui ont déjà vu le raffinement de cruauté d'un groupe d'orques chassant le phoque sur un morceau de banquise savent de quoi je veux parler.)

En somme, je partage le constat de Clifford Simak sur la désespérante cruauté, l'égoïsme, la mesquinerie parfois de l'espèce humaine mais, contrairement à lui, j'ai du mal à croire que le reste vaille beaucoup mieux.

Il nous dresse le portrait d'une humanité finissante qui, par paresse, par couardise, par manque d'ambition positive préfère toujours la facilité et s'en va finir, soit sous forme de grosse patate extatique sur le sol de Jupiter, soit en hibernation permanente dans des gros bocaux hermétiques.

Les humains ont eu le temps de faire don de la parole aux chiens, qui se révèlent de bien meilleurs voisins pour le règne animal et qui créent une société harmonieuse, où tout il est bien, où tout il est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Franchement, j'ai un peu de mal avec cela.

L'auteur nous barbouille également d'une espèce de pseudo philosophie, dite de Juwain, qui serait une sorte de sens empathique universel et surdéveloppé, censé favoriser les relations de tous envers tous (les hommes exceptés car trop viscéralement maléfiques comparés aux autres).

Les robots, et au premier rang desquels Jenkins, sont des humanoïdes privés des deux principaux défauts des humains : d'une part, ils ne sont pas (ou faiblement) mortels et d'autre part, ils font passer l'intérêt général avant le particulier.

Bon… pourquoi pas… Mais dans l'ensemble, même si je reconnais des qualités à l'ouvrage, je me sens un peu déçue. La narration est très artificielle, les Webster se retrouvent d'une génération à l'autre (et que les mâles, bien entendu) avec des caractéristiques similaires (il suffit de regarder les tempéraments de n'importe quelle lignée de rois pour se faire une opinion là-dessus), jouant tous des rôles majeurs dans le devenir de l'humanité. Idem pour le robot bienveillant qui est opérationnel pendant des milliers d'années… Je reste un peu sur ma faim, mais ça n'est bien entendu que mon chien d'avis, c'est-à-dire, très peu de chose.
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