AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de morganex


Quand, finissant un roman, je ne sais pas vers lequel désormais aller, je me tourne souvent vers Simenon et son Maigret de commissaire parisien. Comme m'offrant un interlude, une sorte de courte récompense, qui me laissera le temps de focaliser sur un titre qui, là-bas, sur les rayons de ma bibliothèque me cligne de l'oeil et m'aguiche de ses couleurs flamboyantes et de sa 4 de couv prometteuse.


Un Maigret, c'est invariablement court.
Le contenu propose des phrases simples, comme les brefs plic-plocs d'un caillou en ricochets successifs sur une eau claire. Chaque rebond n'est qu'un élément du tout et chacun est le garant de la cohérence de l'ensemble. Je suis à chaque fois frappé, étonné, admiratif face à la force induite par l'agencement économique des mots, par cette radinerie exubérante et féconde, par ce désir de faire court, concis, efficace. Simenon me parait obsédé par l'envie d'user des mécanismes et recettes de construction de la nouvelle.
Et, au final, il semble y avoir toujours plus en ces courts romans que ce que Simenon y a mis. Comme un contenu qui déborde d'un contenant.

Cà va peut-être paraître idiot, décalé, incompréhensible: mais lire un Maigret c'est pour moi comme écouter un des premiers albums de JJ Cale: court car ne dépassant jamais les 40 minutes, multiple tant les plages y sont paradoxalement nombreuses, simple car marqué par des rythmes dansants et marqués, immédiatement identifiables comme appartenant au musicien, voix faussement nonchalante et décontractée. Et au final, quand le bras du tourne disque revient pour la deuxième fois dans sa position d'attente, quand la galette noire cesse de tourner, au bout d'à peine plus d'une demi-heure, j'ai l'impression d' avoir vécu des heures en compagnie de la musique, rempli de plus de notes que JJ Cale n'a jamais voulu en offrir.
Maigret me donne ce même effet.

Maintenant je ne vais pas chercher à vous appâter avec un petit résumé d'amorce. D'autres ici , sur Babelio, l'ont fait mieux que je ne le ferai jamais.

Comment vous le présenter sous un autre angle ?

Je souhaiterais ainsi m'appesantir un instant sur le background géographique et historique entourant le récit. le roman prend pied, à l'exception du savoureux court dialogue final entre Mr et Mme Maigret (il vaut à lui seul le détour), entre Cannes et Antibes. "Liberty Bar" est paru en 1932, c'est à dire à deux pas à peine des premiers congés payés de 1936. C'est l'été, la canicule pèse, le tourisme aisé est là, bel et bien, effronté et inévitable. Il donne tout son poids à ce bord de mer qui bientôt ne sera plus comme avant. A l'image de ce William, richissime touriste australien qui ne supporte plus ses troupeaux de moutons aux antipodes, qui se paie du bon temps sur les yachts du port, avec de petites pépées, des javas jusqu'au bout de la nuit. Jusqu'à plus soif. A l'exemple aussi de sa maîtresse et de sa mère dans une riche villa donnant sur la Méditerranée. Il y a la foule des baigneurs, un maharadja et sa fille qui ne font que passer mais qui plantent un décor opulent. Une multitude de détails qui tissent un fond huppé, insouciant...mais si fragile et factice.

Et derrière: les petits quartiers, sombres et étriqués, la faune qui y rode, maquereaux, putes et opportunistes. La mort prépare sa faux, ce sera un couteau planté dans le dos de William.

Et c'est là que Maigret intervient comme un coin de bois à enfoncer brutalement entre deux mondes. Mais le commissaire a promis de ne pas faire de vagues car parait t'il, William est un ancien espion.

Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          76



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}