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Critique de popie21


"L'esprit des vents" de François Simon a dormi pendant 14 ans dans un tiroir avant de se rebeller et de décider son auteur à le laisser libre comme l'air.

Bien lui en a pris, avec une plume pareille, je m'étonne que François Simon se soit si longtemps attardé aux tables des restaurants. Je n'ai jamais lu ses critiques gastronomique mais quand il s'attable au roman, on se demande pourquoi il n'a pas suivi plus tôt le souffle de l'inspiration qui devait le tarauder.

Ce roman est une longue, longue poésie d'une tendresse infinie. François Simon écrit comme un papillon : ses mots se posent avec délicatesse sur le papier, déploient leurs ailes magnifiques et multicolores puis s'envolent dans un zéphyr.
L'amoureux des vents c'est Tateru, qui les nomme au fur et à mesure qu'il les découvre. Il les transmet à son ami de toujours Ryu. Ensemble, suivant doucement le cours de leur enfance, ils vont apprendre à les apprivoiser. 
Ces vents qui n'en font qu'à leur tête, la douce brise de leur début d'adolescence dans la baie chinoise de Qingdao va se transformer en typhon quand le 15 août 1945, l'empereur du Japon signe sa capitulation.

Aux vents mauvais, après bien des péripéties, les deux amis vont apprendre au coeur de Tokyo la sauvage, comment on peut passer brutalement d'adolescent à adulte. Soutenus par de petits vents de ville ils vont chacun choisir un vol direction l'indépendance, mais vont-ils prendre le même avion ? il faudra laisser le vent vous tourner les pages pour le découvrir.

Pendant un temps, la vie de Tateru et Ryu se déroulant presque tranquillement, le vent est tombé, et pendant quelques pages, j'ai senti comme un léger flottement, un rythme lent, un peu ennuyant, l'histoire semble retomber comme absorbée par elle-même. Heureusement, une bonne bourrasque a soufflé, et l'intérêt a décollé à nouveau pour ne plus me quitter jusqu'à la fin du livre.

Au milieu de toute cette poésie, François Simon sait nous faire passer, comme une torture de sa plume sous la plante de nos pieds, les atrocités de la Seconde Guerre Mondiale, la complicité du Japon et le prix à payer dans cette île dévastée par les bombardements et le passage de l'Enola Gay. le plus frappant c'est que ce vent de face que doit affronter le pays lui donne plus d'envie, plus de vie, plus d'énergie. On sent l'émergence des esprits qui, loin de se reposer, s'activent, se lancent le défi de repartir de zéro et d'innover pour redonner au Japon son élan et favoriser son envol avec un grand vent d'avance sur l'Occident qui n'en finit pas de panser ses plaies et de faire son deuil.

François Simon est un poète, un homme de sensations, normal quand on a passé beaucoup de temps dans les plaisirs de la chère. Les idées qu'il fait passer glissent sur notre peau de lecteur comme une caresse et ce n'est que plus tard qu'on s'aperçoit de ce qu'elle nous a transmis. Les deux amis qui se construisent après-guerre dans un Japon dévasté ont moins d'importance que le vent qui les a portés jusque-là, leur nouvelle vie d'adulte à Tokyo a moins d'importance que le cyclone de l'après-guerre qui les emporte dans son oeil. Ce roman est pour moi une longue et magnifique poésie avant tout, mais ce qui est sûr c'est que ce roman, ce n'est pas du vent !

Tout mes remerciements aux Editions Plon et à Babelio pour l'envoi de ce livre qui n'a pas raté sa cible, non pas chargé de bombes mais de petites graines de beauté semées à tous les vents, il m'a ravie et emportée avec lui.
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