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Critique de Apophis


SF = Social fiction

Vandana Singh est une auteure indienne, née à Delhi mais vivant (et enseignant -elle a un doctorat en physique théorique, sa spécialité étant celle des particules-) à Boston, USA.

A part la nouvelle qui donne son titre à l'ouvrage et une deuxième, tous les autres textes font moins de vingt-six pages.

Si vous regardez les critiques parues en avant-première (bande de privilégiés, va !), vous verrez souvent des termes très élogieux revenir au sujet de cet ouvrage. A vrai dire, je suis à moitié d'accord elles : je trouve moi aussi que Vandana Singh a une écriture exceptionnelle, une capacité à créer une atmosphère, à brosser des descriptions en quelques coups de pinceau, à littéralement nous transporter en Inde, qui frôle le génie littéraire. C'est aussi, au passage, quelqu'un qui sait créer une atmosphère qui navigue entre la mélancolie, le légèrement onirique, bref qui est une conteuse au talent assez unique dans le paysage SFFF des années 2010. Elle nous offre un regard sans concessions, lucide et critique sur une société Indienne dont nous avons pour la plupart, en Occident, du mal à saisir les particularités (et il y en a) et surtout le gouffre qui nous en sépare. Enfin, sa sensibilité et son humanisme (c'est particulièrement visible dans Faim ou dans Infinités) achèvent de faire de ce livre un bien bel objet littéraire. Sur ces plans là, c'est donc un achat hautement recommandable. Et je dis bien : sur ces plans là.

Car si on se place sur un strict plan SFFF, ce livre est au contraire hautement… dispensable : d'une part, le « prétexte » SFFF est souvent si mince (c'est criant dans L'épouse ou dans Faim) qu'il s'efface complètement devant la critique des travers de la société Indienne (on peut voir les choses de deux façons : soit celle-ci est un plus à l'aspect SF ou Fantastique, soit c'est sans objet qu'elle le parasite ; voir plus loin) ; d'autre part, même dans les textes où l'équilibre SFFF / critique sociale est plutôt en faveur de la première, honnêtement, on est souvent sur des textes allant du sympa mais vite oublié au complètement dispensable (je pense particulièrement à Trois contes de la rivière du ciel). Les nouvelles manquent souvent d'une chute, d'explications sur les tenants et les aboutissants, ont un gros potentiel qui n'est pas vraiment exploité (Delhi) ou encore sont tellement prévisibles que vous risquez de vous ennuyer à leur lecture (Soif, La chambre sur le toit). Deux textes se détachent nettement du lot : Les lois de la conservation et surtout le Tétraèdre. J'ai personnellement beaucoup aimé Infinités (la nouvelle) également.

C'est bien beau (comme expliqué dans l'essai) de vouloir faire de la littérature de l'imaginaire « signifiante », de nous parler de notre présent à coups de métaphores basées dans le futur, l'ailleurs, le spéculatif, le fantasmé, le fantastique ou le mythique, mais si c'est pour que les textes en question soient parfois trop cryptiques pour être pleinement saisis par de pauvres mortels limités dans mon genre, je ne vois pas trop l'intérêt, personnellement, sinon celui de jouer à Narcisse.

Mon problème est que pour moi, Vandana Singh a voulu mêler le cri du coeur d'une femme déracinée, qui aime passionnément son pays d'origine mais n'en supporte plus les injustices et les travers sociaux (particulièrement celles et ceux infligés aux femmes), à des textes SF et Fantastiques où ce manifeste n'avait peut-être pas sa place. Qu'elle place ses nouvelles dans une ambiance et un contexte indiens, soit, c'est ce que le lecteur attend d'elle, après tout ; qu'elle dénonce certains travers de cette société, pourquoi pas, je n'y trouve rien d'anormal ; en revanche, que cette critique parasite, vampirise complètement l'aspect Fantastique (plus que l'aspect SF, d'ailleurs), là je dis non.

Le choix d'acheter ce livre ou pas vous appartient : il faut vous demander ce que vous y cherchez, ma critique vous ayant clairement exposé ce que vous alliez y trouver. Si l'aspect humaniste, la belle écriture, l'atmosphère indienne, le regard de l'intérieur sur les travers de cette civilisation, le ton onirico-mélancolique et rappelant souvent celui des contes vous séduisent ou vous intéressent, vous pouvez y aller sans crainte, c'est du haut de gamme. En revanche, si vous voulez lire de la SF (= Science Fiction) ou du Fantastique avant tout et que le reste soit ne vous intéresse pas, soit est secondaire, là, clairement, évitez, vous avez plus intéressant dans quoi investir votre vingtaine d'euros. Parce que si Vandana Singh fait bien dans la SF, il faut traduire ça par Social Fiction. Et je pense que pour découvrir les problèmes ou travers de la société indienne, il y a plus pertinent à lire : livres de géopolitique, consacrés à la société Indienne, témoignages clairement identifiés comme tels et pas publiés dans une collection relevant des littératures de l'imaginaire, etc. Enfin, si vous êtes un fanatique de Hard-SF ou de Fantastique pur et dur, fuyez, vous allez détester.

Vous trouverez sur mon blog la version complète de ma critique, avec une analyse de chaque nouvelle (et des travers de la société indienne qui peuvent y être dénoncés).
Lien : https://lecultedapophis.word..
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