AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome fait suite à Out from Boneville qu'il faut avoir lu avant. C'est le deuxième tome dans une histoire complète qui en compte 9. L'histoire est écrite, dessinée et encrée par Jeff Smith. Elle a initialement été sérialisée en noir & blanc en 1992/1993. Ce chapitre comprend les épisodes 7 à 11, et 13 1/2 qui ont bénéficié d'une mise en couleurs réalisée par Steve Hamaker.

La foire du printemps bat son plein. Thorn Harvestar et Fone Bone font le tour des marchands ; Thorn l'emmène voir Tom, un vendeur de miel et un très beau jeune homme. Piqué au vif par une remarque de Tom sur la taille de son nez, Fone décide d'aller récolter du miel en forêt par ses propres moyens pour montrer à Thorn que cela n'a rien de compliqué. Pendant ce temps là, Phoney Bone organise son arnaque sur les paris relatifs à la grande course de vaches. Il fait croire à l'existence d'une vache exceptionnelle, avec la complicité de Smiley Bone, pour inciter les villageois à parier dessus. Il compte bien empocher le gros lot quand Gand Ma Ben gagnera la course comme tous les ans. Lucius Down flaire le mauvais coup de Phoney sans réussir à vraiment le circonscrire. Pendant la nuit, Thorn cauchemarde qu'elle est emmenée enfant par une silhouette encapuchonnée qui la confie à un dragon.

Les 3 Bone sont toujours aussi mignons et adorables que dans le tome précédent. Cela reste le plus grand avantage du récit, mais aussi une forme de limite. Il est impossible de rester de marbre devant les actions de ces 3 individus au caractère entier. Fone porte un amour d'enfant à Thorn, l'idolâtrant, et ayant le coeur brisé parce qu'elle s'intéresse à un autre homme. le lecteur est partagé entre une empathie qui vient naturellement pour ce nigaud qui ne sait pas montrer son amour (à une jeune femme que ça arrange de ne pas le voir) et entre l'incrédulité. En effet, Jeff Smith continue d'entretenir le doute sur l'âge réel de Fone qui se conduit avec des réactions d'enfant et un rôle de jeune adulte ou de grand adolescent.

L'ambiguïté est de même nature concernant Smiley. Les autres personnages voient en lui quelqu'un d'un peu simplet, et de fait il remplit la fonction de ressort comique, le sérieux des autres personnages se heurtant à son humeur lunatique et à ses réparties décalées. À nouveau Jeff Smith lui donne un caractère infantile, et des capacités physiques d'adulte.

Le comportement de Phoney Bone participe lui aussi du même amalgame entre des actions adultes, et un comportement enfantin. Son plan pour s'enrichir rapidement repose sur une logique simpliste (faire croire à l'existence d'une vache terrible pour influencer les paris), avec une volonté de s'enrichir rapidement. Au fur et à mesure que cette partie de l'intrigue prend de l'ampleur, le lecteur finit par se demander qui pouvait bien faire office de bookmaker les années précédentes, et pourquoi il ne se manifeste pas alors que Phoney a usurpé sa fonction.

D'un autre côté, le reste de l'intrigue continue aussi de prendre de l'ampleur et Jeff Smith est un conteur qui sait divertir son auditoire. Pour commencer il y a donc cette grande course qui a bien lieu, avec un vainqueur clairement identifié, et quelques péripéties très inattendues. En outre le lecteur peut constater que Rose Ben en sait bien plus qu'elle n'en dit, que l'intervention du grand Dragon Rouge dans le tome précédent était bien révélateur d'une situation plus complexe qu'il n'y paraît, et que qu'il se trame des plans inquiétants. Enfin les racines du mal semblent remonter au moins à la génération précédente. Concrètement, Jeff Smith augmente l'envergure de son intrigue de manière organique, en installant une attente chez le lecteur qui souhaite en découvrir d'avantage.

Jeff Smith est également un fin conteur, dans sa mise en scène et par sa capacité à transcrire les personnalités et les émotions. le lecteur pourra à la rigueur regretter que les personnages aient une tendance marquée à se parler tout seul à voix haute pour expliquer ce qu'ils sont en train de faire. Pour le reste Smith fait preuve d'une grande maîtrise du vocabulaire et de la grammaire propres à la bande dessinée. Il y a donc l'expressivité des personnages qui porte avec force chaque émotion. C'est le moins que le lecteur soit en droit d'attendre des 3 Bone dont la conception graphique se prête admirablement bien à l'exagération des expressions du visage. C'est tout aussi remarquable dans les degrés de nuance des expressions des autres personnages.

Jeff Smith n'a rien perdu de sa capacité à intégrer des moments humoristiques savoureux et sophistiqués. Il peut s'agit aussi bien d'un comique de situation (Fone se retrouvant face à une très grosse abeille), que d'un comique de personnages. Les 2 créatures rats croisées dans le tome précédent continuent de tenter d'alpaguer Fone, sans plus de succès. Dans le chapitre 5, Smith leur consacre 6 pages où elles discutent entre elles de leur échec et de leurs options pour la suite. Smith leur croque des expressions irrésistibles, les dote d'un caractère peureux et revendicatif, tout en filant sa blague récurrente sur les quiches. Il faut voir aussi la grimace de satisfaction de Gand Ma Ben lorsqu'elle franchit la ligne d'arrivée : une posture des plus parlantes qui illustre la maxime voulant qu'un dessin vaut mieux qu'un long discours.

D'une manière générale, Jeff Smith conçoit des mises en scène vivante qu'il s'agisse des scènes d'action, ou des scènes de dialogue. Il sait aussi bien animer un dialogue émouvant ou comique entre 2 personnages (même avec un plan fixe), qu'une discussion entre plusieurs individus (Grand Ma Ben s'enquérant des paris à la taverne). À nouveau l'expressivité des personnages et leur langage corporel fait des merveilles. La mise en couleurs discrète apporte un peu de consistance aux cases lorsqu'elles manquent de décors, avec des couleurs pastel rappelant celles des cases précédentes, ou simplement en améliorant la distinction entre les différentes formes, ou la teinte de la lumière.

Ce deuxième tome confirme la bonne impression du premier. Il développe un peu plus l'intrigue qui promet des révélations pour les tomes précédents. Il tient sa promesse d'une course de vaches mouvementée, et il permet de continuer de découvrir des personnages très attachants (et pas seulement les 3 Bone). La sympathie qui se dégage des personnages nuit à la tension dramatique, le lecteur ayant du mal à prendre au sérieux les menaces qui pèsent sur eux. En particulier il est certain dès le début que les conséquences des magouilles de Phoney seront très relatives.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}