AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome regroupe les épisodes 1 à 8 de la série redémarrée en 1998/1999. le scénario est de Kevin Smith, les dessins de Joe Quesada, et l'encrage de Jimmy Palmiotti. Il contient également le numéro 1/2, une brève introduction de Joe Quesada, et une postface de Kevin Smith.

Quelque part à New York, une maternité est dévastée causant la mort de plusieurs nourrissons. Gwyneth (15 ans) arrive à sortir en emportant avec elle son bébé. Alors qu'elle essaye d'échapper à ses poursuivants, elle passe à proximité d'une église où Matt Murdock est en train de recevoir le sacrement du pardon. Il évoque au prêtre son manque de repère depuis que Karen Page a décidé de vivre sa vie de son coté. Celui-ci ironise un tantinet en faisant remarquer que Murdock vient se confesser uniquement après avoir perdu le réconfort de sa femme, mais que c'est toujours mieux que de recourir à une thérapie ou un bouquin de développement personnel. Murdock n'écoute plus, il a déjà revêtu son habit de Daredevil et court au secours de Gwyneth. Peu de temps après celle-ci lui rend visite à son cabinet d'avocat et lui confie son enfant, avant de s'évanouir dans la nature. Puis Murdock reçoit la visite de Nicholas Macabes qui lui explique que son organisation Sheol a la certitude que ledit enfant est l'antéchrist. Pour preuve, peu de temps après l'avoir recueilli, Murdock constate que sa vie part en sucette.

En 1998, Bob Harras (éditeur en chef de Marvel Comics) confie quelques séries moribondes à Joe Quesada en tant que responsable éditorial (la naissance de la ligne Marvel Knights). Ce dernier décide de relancer Daredevil en faisant appel à un ami : Kevin Smith, réalisateur de films indépendants tels que Clerks, les employés modèles ou Chasing Amy. Ce dernier est un lecteur assidu de comics, mais aussi un créateur avec une vision claire de ce qu'il souhaite faire avec le personnage. Pour commencer, il est hors de question qu'il raconte une histoire à destination des enfants. Dès le premier épisode il accumule les transgressions d'interdits implicites dans les comics : il parle des relations charnelles entre Matt et Karen, il intègre un prêtre et une confession, et plus fou encore, il ose faire jouer un rôle crucial à un nourrisson. N'importe quel lecteur sait que la religion ne sert qu'à inclure des démons de pacotille, que les relations physiques constituent un tabou (imaginez que même Foggy couche), et qu'un nouveau né plombe le récit qui ne peut pas s'en relever.

Non seulement, ce sale gosse de Kevin Smith ne respecte pas les codes en vigueur, mais en plus il se complait dans de copieuses cellules de textes et de longs monologues pour mieux développer les personnages. Comme si ça ne suffisait pas, après avoir installé Daredevil dans une intrigue dépourvue de superhéros (sauf Black Widow) dans la première moitié, il n'hésite pas à inviter d'autres superhéros dans la deuxième moitié à commencer par un magicien qui exige un niveau de suspension consentie de l'incrédulité sans commune mesure avec celle déjà nécessaire pour tous ces gugusses en costumes moulants aux couleurs criardes.

Et pourtant, ce récit se lit avec plaisir, il recèle énormément de moments intelligents et chargés en émotion. Il est fidèle à l'esprit des superhéros, il est fait pour les lecteurs qui ont grandi avec les superhéros. Kevin Smith cite les récits les marquants de Daredevil, à commencer par Born again de Frank Miller et David Mazzucchelli (en ramenant même Sister Maggie, pas sa meilleure idée), mais aussi les histoires écrites par Ann Nocenti (Typhoid Mary, en anglais), et bien d'autres encore. le talent de Smith lui permet de faire honneur à ses ambitions : le résultat est enlevé, avec une légère dérision très savoureuse, et Daredevil accomplit toutes les actions superhéroïques que le lecteur attend de lui.

Comme il l'observe lui-même dans la postface, il a la chance que Joe Quesada se charge de la mise en images, et qu'il arrive à faire passer ses textes volumineux. À la lecture, il est visible que Quesada s'est bien amusé à illustrer ce récit. Cela commence avec l'idée astucieuse d'insérer avec parcimonie quelques gravures de Gustave Doré pour une petite touche de religieux. Cela transparaît dans chaque pose prise par Daredevil, chacune de ses acrobaties où Quesada ne se contente pas de ressortir les plans de ses prédécesseurs, il construit ses planches et choisit ses angles de vue de manière à mettre en valeur son coté athlétique et casse-cou. Et puis il y a ces petits tics graphiques propres à Quesada qui apportent une saveur particulière aux illustrations. Il y a sa propension à exagérer la taille des yeux des personnages pour mieux faire passer l'émotion, employant un code propre aux mangas. Il y a les muscles de Daredevil qui ne bénéficient pas toujours d'un bel arrondi, qui présentent parfois une protubérance disgracieuse qui confère un aspect moins lisse au personnage. Il y a aussi les clins d'oeil à des personnages d'autres séries. Pour commencer, Nicholas Macabes ressemble comme 2 gouttes d'eau au Commissaire Dolan de la série Spirit de Will Eisner. Dans l'épisode 6, le lecteur attentif pourra identifier les clients du bar fréquenté par Turk Barrett : Jesse Custer, Nancy Callahan et Marv en provenance directe de Sin City. Dans le dernier épisode, le présentateur télé a une ressemblance marquée avec Clark Kent, et il est possible de reconnaître bien des individus sur les bancs de l'église (à commencer par les auteurs eux-mêmes), avec en particulier Ash (un personnage créé par Joe Quesada et Jimmy Palmiotti).

L'épisode 1/2 est également écrit par Kevin Smith sous forme de texte, avec des illustrations. Il s'agit d'un résumé de la vie de Matt Murdock.

Kevin Smith réalise une histoire complètement imprégnée de l'historique du personnage, avec un suspense de bonne facture, des personnages avec des points de vue, et une belle profession de foi sur l'un des métiers du cinéma dont il parle avec passion. La mise en images de Quesada et Palmiotti compense les pages un peu chargées en texte, par une grande vitalité et une énergie impressionnante, tout en renforçant encore les références discrètes au monde des comics.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}