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Critique de Lucilou


Clairement, je ne me serais pas dirigée vers "Lore Olympus" si je n'y avais pas été fortement encouragée, voire incitée par l'une de mes très chères amies qui a mis son exemplaire entre mes mains pour achever de me persuader et, en fin de compte, elle a fait bien plus: elle m'a convaincue.
Moralité: il faut savoir écouter ses amis quand ils vous connaissent aussi bien que C. me connaît et accepter de dépasser quelques préjugés, et les dieux (de l'Olympe) savent que je n'en suis pas exempte, loin de là.

Ainsi, entre "Lore Olympus" et moi-même, la rencontre aurait pu ne jamais avoir lieu tout d'abord parce que l'ouvrage est publié par les éditions "Hugo et Cie" dont je ne suis clairement pas le coeur de cible et dont il m'arrive, plus souvent qu'à mon tour, de pourfendre le travail. C'est bien simple, pour moi, "Hugo et Cie" c'est le Harlequin nouvelle génération, des romans (et des romances) mièvres et téléphonées, parfois toxiques, mal écrites et troussées aussi rapidement que des rédactions d'élèves de quatrièmes en dernière heure de cours le vendredi (vous avez dit "bâclé"?), des textes sans forme et au fond discutable qui prennent les lecteurs (les lectrices surtout, merci le marketing genré!) pour des créatures décérébrées (j'ai peu d'estime pour la gente humaine, mais tout de même pas à ce point!). C'est enfin la maison d'édition des couvertures criardes, d'"After" et de "Beautiful Bastard": tout ce que je déteste.

S'il n'y avait que cela... Mais non. Il se trouve que j'aime infiniment et de plus en plus les romans graphiques, le travail subtil qui allie le texte à l'image et celui plus complexe encore qui consiste à en assurer la mise-en-page, la cohérence de cette dernière. Pour moi, un roman graphique, c'est presque précieux, c'est rare, c'est soigné. Or "Lore Olympus" avant d'être un livre fut publié sur Webtoon et si je ne peux que saluer la qualité de certains dessins et de certains scénarios, on n'est clairement pas sur le même travail, le même soin que dans un parcours d'éditions plus classique. Oui, j'ai un côté boomer voire un coté grincheux. Je sais. J'assume.

Oui mais voilà, C. est convaincante et a su mettre en avant des arguments prompts à faire fondre mes défenses.
Avec le premier, mon coeur a manqué un battement: "Lore Olympus" est une réécriture d'un mythe antique et d'un de ceux que je préfère qui plus est: celui de l'histoire entre Hadès, dieu des Enfers, et Perséphone, déesse du Printemps. Or, j'ai une passion absolue pour les réécritures, antiques ou médiévales et je n'y résiste jamais bien longtemps. L'idée même d'accéder à l'Olympe, modernisée de surcroît, et porteuse d'une vraie "patte", d'un vrai parti pris différent et artistique... Voilà de quoi me faire tachycarder, moi! Me voilà donc en partie ferrée quand arrivent coup sur coup deux autres bonnes raison d'essayer de m'immerger dans l'ouvrage de Rachel Smythe: "Lore Olympus" est non seulement d'une fraîcheur réjouissante mais il est aussi sous ses dehors un peu pop de série pour ado ("Gossip Girl"!) intelligent et engagé. Et les dessins valent le coup qu'on se penche sur eux, particulièrement sur leur jeu de couleurs.

Comme Vercingétorix face à César, j'ai rendu les armes... et sans passer par la case Gergovie.

"Lore Olympus" est donc une réadaptation contemporaine du mythe de Hadès et Perséphone. Dans une Olympe chromée, rutilante, newyorkaise, nous sommes invitées à suivre les traces de tout le gratin de la mythologie grecque: les deux amoureux susnommés bien sûr mais également Zeus, Artémis, Poséidon, Héra, Aphrodite, Apollon... Ils sont au complet et s'ils communiquent par sms et organisent des cocktails, ils n'en ont pour autant pas perdu leurs caractéristiques antiques et légendaires, ce qui est un point positif pour la puriste que je me targue d'être. C'est d'ailleurs au cours de l'une de ses soirées que commence notre histoire: Hadès, esseulé, y fait la rencontre de la jeune et candide Perséphone qui vient d'arriver en ville pour parfaire son apprentissage de déesse. Elle occupe une modeste colocation avec Artémis et cette soirée chez Zeus et Héra, c'est un peu son premier bal... Sauf que rien ne se passe comme prévu, sauf qu'elle n'avait pas prévu de se retrouver, au terme d'une machination un peu puérile, sur la banquette arrière d'un Hadès bouleversé qui s'attendait à tout sauf à trouver la frêle jeune fille là.
L'intrigue se concentre essentiellement sur l'histoire naissante et les sentiments de ces deux protagonistes sans pour autant négliger les trajectoires personnelles de leurs comparses. Il y a un côté addictif et très feuilletonnesque au récit, ce qui le rend passionnant et on ne va pas se mentir, il y a aussi ce petit rien qui fait roucouler la moi de seize ans qui se rappelle parfois au bon souvenir de l'adulte que je suis.
La force de cet ouvrage n'est pourtant pas là. Elle est plutôt dans la capacité qu'a cette histoire de véhiculer des thématiques modernes et violentes tels que le viol, la toxicité de certaines relations, les traumatismes familiaux… Outre que cela confère de l'épaisseur et de la complexité à l'intrigue, c'est intelligent. Tout d'abord, quand on sait que le public visé par "Lore Olympus" est essentiellement adolescent, je me dis que c'est une bonne chose de le sensibiliser à ces thèmes-là par le biais de la fiction. Ensuite, quand on sait aussi que la vocation des mythes étaient d'expliquer l'inexplicable et d'éclairer aussi la société dans laquelle ils étaient racontés, c'est plutôt clairvoyant de faire de même avec notre époque, ses dysfonctionnements, ses codes. C'est comprendre et reprendre l'essence de la mythologie, la réinterpréter sans la trahir, la réécrire en lui restant fidèle malgré tout. Ainsi l'interprétation d'Apollon peut surprendre, mais à bien y réfléchir, elle est loin d'être incohérente...

Par ailleurs, "Lore Olympus" ne manque pas de qualités intrinsèques: le travail sur les couleurs est non seulement un succès graphique mais c'est aussi une réussite narrative: chaque dieu a sa propre couleur, ce qui donne lieu à de très belles planches ainsi qu'à une symbolique intéressante en plus d'aider à leur identification. Hadès, par exemple, s'épanouit dans un bleu relativement froid quand Perséphone voit la vie en rose. Poséidon est paré de vert et Zeus flirte avec le violet (et avec tout ce qui bouge, au grand dam de Héra dont le traitement positif pour une fois va à l'encontre de la tradition sans que cela ne soit incohérent quand on y réfléchit). Au delà du travail sur les couleurs, je ne peux m'empêcher d'évoquer des dessins qui lorgnent un peu vers l'esthétique comics et qui sont si expressifs qu'ils parviennent à faire naître beaucoup d'émotion et de sensibilité chez les personnages et les lecteurs ainsi que mon trio gagnant qui, à rebours de nombreux autres passages, m'a fait beaucoup rire: Zeus, Hadès et Poséidon. Les Trois Frères. Les passages qui les réunissent sont réjouissants voire à mourir de rire.

"Lore Olympus" est une réelle surprise, une très bonne surprise et j'ai hâte de découvrir la suite de ce volume 1 qui allie à beaucoup de fraîcheur un fond bien plus travaillé et profond qu'il en a l'air.

Je n'émettrai qu'un seul bémol: on passe d'un épisode à l'autre sans transition aucune et c'est un peu brutal. En ligne, cela ne pose pas de problème puisque lesdits épisodes sont postés les uns après les autres. Dans une version papier, le rendu n'est pas le même et cela nuit à la fluidité du propos. C'est dommage...











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