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Critique de berni_29


Je chante et la montagne danse est un livre totalement atypique.
Le texte nous fait connaître un village perché en haut des Pyrénées catalanes.
Des voix parlent, des voix vont raconter. Et celle qui prend la parole au début du récit évoque des nuages qui s'amoncellent brusquement et l'éclair qui foudroya ce paysan poète qui s'appelait Domènec. Plus tard viendra une autre voix, celle qui évoque Dolceta qui fut pendue pour acte de sorcellerie. Leurs fantômes vont se faufiler dans les pages ainsi que les fantômes d'autres personnages, ils m'ont pris la main jusqu'à la fin de ma lecture...
Ici parmi la vie quotidienne des villageois de cette terre catalane, se déplie la mémoire douloureuse des événements sur plusieurs générations, mêlant l'intime à l'universel. Les drames familiaux, les persécutions guidées par l'ignorance, la guerre civile espagnole et ses exécutions sommaires s'invitent dans les pages et traversent des vies fragiles et fortes à la fois.
Ce sont des malheurs, le malheur du monde, la douleur intime enfouie dans la peur, la terreur, la guerre, dont la rumeur n'altère jamais la beauté de la terre, celle de la montagne.
Pourtant il n'y a aucune tristesse, aucun pathos, l'amour s'invite, parfois de manière sensuelle, l'amour désiré, vécu, perdu, recommencé... L'amitié aussi est forte et se révèle dans l'épreuve.
Je serais bien en peine de raconter l'histoire de ce livre, une intrigue, un début, une fin. Il y a cependant des histoires, des tranches de vies, des personnages...
Certains pourront déplorer qu'il n'y a pas d'histoire, le lecteur est parfois paresseux ou tristement conformiste, Irene Solà invite notre coeur attentif et empli d'inspiration à couturer ces morceaux d'histoires qui nous sont offerts, tendus comme des fleurs pour lesquelles il est possible de composer un bouquet.
J'ai été séduit pour ne pas dire ébloui par la beauté des mots, la beauté du lieu, la beauté des personnages et de leurs sentiments... La beauté du livre.
La beauté de la vie dégringole dans ce livre comme une lumière qui se déverse, s'empare des pages et des versants de ces montagnes.
C'est une ode à la puissance de la nature qui fait écho à la fragilité de l'humanité.
C'est un roman choral comme je l'ai aime, une polyphonie de voix où viennent aussi témoigner des animaux, un chevreuil, un ours, parmi les voix des humains. La force de ce récit est qu'on ne s'en étonne guère.
Irene Solà a peut-être vu elle-même ces personnages ou leur fantômes devant ses propres yeux ou avec simplement son coeur, puisque les poètes savent voir ce qui est caché, enfoui, elle les a peut-être croisés sur un sentier, a frôlé leurs ombres, leurs errances, leurs âmes, leurs larmes, leurs fous rires...
Ce texte est intemporel. Et cela le rend particulièrement beau. Plus que jamais.
Ici les vivants côtoient les morts, le fantastique s'invite dans ces pages comme une étreinte.
Je me suis laissé emporter par la poésie de l'écriture d'Irene Solà. Mais aussi on ne dira jamais assez le travail remarquable et le talent des traducteurs. Je veux ici saluer Edmond Raillard.
Qu'est-ce qui sépare les vivants et les morts ? Qu'est-ce qui qui sépare le réel de l'invisible ? Peut-être un ravin entre deux versants d'une même montagne, un vide sidéral qu'une femme poète va combler en jetant des ponts avec des mots.
Je remercie les éditions du Seuil et Babelio pour ce très beau roman reçu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée.
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