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Critique de Luniver


L'histoire se déroule en Ouzbékistan quelques mois après la mort de Staline. Paul Nikolaievitch Roussanov intègre le pavillon des cancéreux pour une tumeur au cou. Fonctionnaire modèle, il est presque outré qu'une tumeur ose s'attaquer à un cadre du parti. le manque d'empressement des médecins à son chevet le scandalise, puis l'angoisse quand il se rend compte que cette fois-ci, ses nombreuses relations ne pourront l'aider en rien. Les bouleversements dans la société ne le calment en rien : les anciens camarades qu'il a courageusement, et anonymement, dénoncés risquent d'être réhabilités. L'anniversaire de la mort de Staline est célébrée de manière extrêmement discrète, à la stupeur de certains malades pour qui il représentait toute leur vie.

À côté de Roussanov se trouve Oleg Kostoglotov. Son parcours est diamétralement opposé : il a passé plusieurs années dans les goulags, et en est sorti uniquement pour se faire soigner. Il tente alors de reprendre un peu de contrôle sur sa vie en contestant les choix des médecins et en essayant de peser sur leurs décisions : il se documente lui-même sur le cancer pour tenter de connaître précisément son état, il tente de convaincre les médecins de le laisser partir pour qu'il profite des derniers mois qu'il lui reste à vivre, il s'oppose aux injections d'hormones qui le rendront impuissant.

Autour de ces deux personnages gravitent plusieurs autres personnalités intéressantes : Ephrem Poddouïev qui a vécu en égoïste et qui s'interroge sur le sens de la vie quelques jours avant de mourir; Vadim, persuadé d'avoir la mission de faire une découverte scientifique importante, et qui craint de mourir avant de la mener à bien; Chouloubine, qui a renié tous ses principes et toutes ses convictions pour se protéger, mais qui en souffre terriblement; Chaly, qui parle fort, boit de la vodka, et joue au poker, pour se convaincre lui-même que ce qu'il a n'est pas grave; Lioudmila Afanassievna Dontsova, médecin qui se spécialise depuis des années dans le cancer avant de s'apercevoir qu'elle en ressent les premiers symptômes; Vera Kornilievna Gangart, infirmière écarsée par la solitude, qui préfère se faire passer pour mariée par peur d'affronter les regards des autres.

L'intérêt de l'histoire se situe à deux niveaux : humain tout d'abord, en découvrant tous ces hommes devenus égaux par la maladie, partageant les mêmes craintes et les mêmes espoirs fous (commme cette course au champignon de bouleau qui aurait le pouvoir miraculeux de guérir le cancer), et qui s'interroge sur le sens de leur vie. Et politique ensuite, où partisans et adversaires du stalinisme s'affrontent. le changement qui s'annonce peu de temps après la mort de Staline rend encore plus dérisoires tous les efforts consentis et les sévices subis pendant cette période.

Le pavillon des cancéreux est un livre magnifique. Et curieusement, malgré la noirceur des thèmes abordés, c'est avec un sentiment d'espoir et de joie de vivre que j'ai refermé ce chef-d'oeuvre.
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