Giselle, comme tanta Mélusine, ne connaissait pas les crises morales. Mais parfois, le chagrin s’emparait d’elle. Elle semblait sur le point de sombrer, comme un câble trop tendu qui risque de se rompre d’un coup sec.
Il est tout naturel qu’une créature veuille connaître son créateur car cela lui permet de se connaître elle-même. C’était ce qu’Aster désirait plus que tout : voir clairement en elle-même et déterminer ce que le Matilda avait fait d’elle.
Elle avait tout perdu de sa grande force virile. Cela avait duré peu de temps. Il ne restait plus que les insultes échangées, et le genou fracassé de l’homme à la cicatrice, et le retour imprévu et soudain de tous ces souvenirs – l’invincibilité des fantômes.
Il était une fois un miman qui avait eu un bébé, un être de couleur marron, toujours en train de gigoter, tout petit, encombrant. La miman lui donna le nom d’Aster, parce que c’était un genre de plante, parce que c’était un mot ancien signifiant étoile, et parce qu’il fallait, pour prononcer ce son A si doux, bien ouvrir la gorge. Un nom à ne pas prendre à la légère. Un nom que l’on ne donne pas à un enfant qu’on a l’intention d’abandonner au fond d’un placard.
Un salon, c’est l’endroit où vont les femmes riches pour boire du café et du thé et pour manger des petits gâteaux au citron et des biscuits et pour parler de choses importantes, pourquoi c’est comme ci, et pourquoi c’est comme ça, et non mais vous vous rendez compte, enfin…
Si tout le monde répète sans cesse qu’on ne vaut rien du tout, il est difficile de ne pas le croire.
Ainsi, opulent ne signifiait pas plus une deuxième assiette au dîner, mais des statues de bronze représentant des anges en pleurs, des robes si majestueuses, si fastueuses qu’on aurait pu fabriquer, à partir du tissu dont elles étaient faites, cinq ou six autres robes.
Elle se mit à quatre pattes et commença à creuser. La terre était douce, humide, meuble. Les racines des plantes étaient courtes et s’arrachaient facilement. Elle creusait frénétiquement, ramassait la terre dans la paume de ses mains, et la rejetait au loin. Elle était essoufflée, sa poitrine brûlait, ses doigts, ses bras étaient engourdis, mais elle ne pouvait pas s’arrêter.
Aster volante. Aster maîtresse de l’air. Aster casse-cou. Elle courait aussi vite qu’elle le pouvait, pour ne pas perdre de temps, sans tenir compte des risques.
J’aime beaucoup quand tu me fais des compliments hyperboliques, dit-elle.