Les précédents critiques ont pris la peine de résumer en détail les deux tragédies de
Sophocle ici réunies en volume, sans que l'éditeur Budé ait voulu que ces deux textes aient le moindre rapport entre eux. Cependant les deux pièces reposent sur un thème dramatique commun : la décision que doit prendre
Philoctète, de pardonner, de renoncer à son exil et de rendre les armes, et pour Oedipe, de renoncer à lui-même et mourir là où il est arrivé en émigré et étranger proscrit, à Colone, faubourg d'Athènes. Pour parvenir à ce détachement, les deux héros doivent lutter contre eux-mêmes, mener de pénibles délibérations et entendre de nombreuses mises en demeure.
Philoctète (et ceci est très moderne) doit abandonner l'idée qu'être une victime, c'est avoir des droits sur les autres ; Oedipe, quant à lui, doit changer d'identité pour devenir un gage de chance, de bénédiction et de bonne fortune. Il lui faut donc abandonner son propre crime et sa propre malédiction, qui constituaient son identité comme la blessure de
Philoctète était devenue
Philoctète lui-même. Curieusement, le romancier populaire de SF Robert Silverbeg l'a finement compris dans le roman qu'il a tiré de cette pièce, "L'homme dans le labyrinthe". Ces deux pièces sont donc plutôt de grands poèmes que des actions, et il faut des acteurs exceptionnels pour les jouer.
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