Après relu l'intégrale de l'oeuvre d'
Ai Yazawa, je me suis dit qu'il était temps de relire petit à petit les séries préférées de ma bibliothèques car ce serait trop dommage de leur laisser prendre la poussière et surtout de ne pas vous en parler. Pour cela, j'ai choisi l'un des premiers shojos avec presque exclusivement de la romance lycéenne que j'ai lu quand j'étais moi-même au lycée : Mars de
Fuyumi Soryo.
Série terminée en 15 tomes + 1 hors série (à lire à la fin), ce fut un gros coup de coeur pour moi à l'époque et c'est encore un gros coup de coeur actuellement avec cette relecture plus de 15 ans après. Certaines scènes étaient restées gravées en moi, elles le sont toujours. J'avais également regardé et adoré l'adaptation en drama par les taïwanais (avec Vic Zhou !) et j'ai retrouvé cette ambiance avec plaisir.
Pour se lancer dans cette superbe histoire, il ne faut surtout pas se fier aux couvertures des premiers tomes qui ont un dessin un peu vieillot et des compositions pas des plus attrayantes pour certaines. L'intérieur est également un peu vintage, à l'image des premiers titres d'
Ai Yazawa que j'aime tant. le dessin y est doux et parfois même assez sensuel. Contrairement à ce que fait l'autrice actuelle sur Cesare, elle a une belle palette d'émotion derrière l'impression de froideur qu'elle peut donner.
Mais surtout Mars est une histoire terriblement émouvante, pas juste une romance lycéenne et on le sent très vite. On y fait la rencontre de deux âmes blessées et pures. Rei, le fan de moto, de vitesse, qui vit comme s'il n'avait plus rien à perdre. Qu'a-t-il vécu pour arriver là ? Au lycée, c'est le petit branleur avec qui toutes les filles veulent sortir/coucher. Il est sportif, drôle, déconneur et ne se prend pas la tête, mais il peut aussi être très froid et peut vite partir et monter très haut en terme de violence. Il fait froid dans le dos. A l'inverse, Kira est une jeune fille très douce, limite effacée, au point que ça donne envie selon l'autrice (mais n'importe quoi !) aux autres de la martyriser. Certains ne s'en privent pas, il y a même un prof qui essaie d'aller plus loin avec elle sans son consentement, voyant en elle une proie facile. Mais Kira est passionnée de dessin et très douée pour ça.
Lors de sa rencontre avec Rei, le dessin qu'il y a au dos du plan qu'elle lui dessine le touche et il n'en faut pas plus pour l'intriguer. Rei se sent pousser vers elle, il veut la remercier en jouant les protecteurs. Kira est fascinée par lui, par sa liberté, son audace. Les deux s'attirent sans s'en rendre bien compte. Ce n'est pas le cas des autres. le meilleur ami de Rei craque pour Kira et une fille qui connait Rei depuis longtemps craque pour ce dernier et note l'intérêt qu'il porte à Kira ce qui ne lui plait pas.
L'autrice mêle astucieusement à ce cadre lycéen connu des thèmes contemporains comme le harcèlement scolaire, le harcèlement sexuel, le deuil, les tendances suicidaires... Cela donne un récit dont on sent très vite la puissance cachée. le mal être des héros affleure dès le début, il leur est arrivé quelque chose pour qu'ils soient comme ça et on veut savoir quoi. Ils semblent se faire du bien l'un l'autre et on veut voir ça se concrétiser. Ils sont comme l'huile et le feu et pourtant s'entendent à merveille, on veut voir ça et plus encore.
Les dessins si particuliers de l'autrice sont un mélange de ceux des shojos des années 90 et de sa propre patte assez sobre et claire. le résultat est souvent très doux et presque sensuel même lors de certaines scène. Il concrétise superbement ces sentiments naissants chez les héros par un jeu de regard, une science du cadrage très poétiques ou tout reste pur malgré la violence de certaines scènes et/ou propos. L'art et la vitesse sont au coeur de l'histoire grâce aux passions des deux héros et cela se retrouve dans son trait. Tout comme le mal être des héros est bien présent dans le dessin froid quasi analytique de l'autrice qui semble décrypter la folie sous-jacente de certains personnages. Ça met mal à l'aise et c'est voulu mais c'est réaliste. L'autrice porte ainsi à son paroxysme les sentiments des héros pour une histoire poignante qui subjugue.
Le ton est donc à la fois mélancolique, un peu triste et poétique, parfois dur mais à d'autre moment très doux et pur.
Fuyumi Soryo n'oublie pas l'humour dans sa série, celui-ci est présent en belle quantité grâce à Rei et son meilleur ami qui sont de sacrés phénomènes. Rei ne se laisse pas abattre par ce qu'il a vécu et choisi de vivre sa vie pleinement aussi bien dans le malaise que dans l'euphorie. Cela a un petit côté Hartley coeur à vif dans son portrait de la vie au lycée que j'ai beaucoup aimé vu que c'était l'une de mes séries phare ado.
Ainsi, même si je peine un peu à le retranscrire, la relecture de ce premier tome fut un gros coup de coeur. J'ai tout aimé, le ton, l'ambiance, les dessins, les thèmes et surtout les personnages qui me touchent en plein coeur. Ce premier tome est celui d'une rencontre, une rencontre qui peut sembler anodine, mais qui va changer la trajectoire de deux êtres qui vont mal. Cela ne va sûrement pas se faire sans heurt, cela va même faire mal, mais on a espoir que ce soit pour un futur lumineux pour chacun.
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