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Critique de ATOS


Traduit du japonais par Hélène Morita.
Umami. La cinquième saveur. Comparer ce roman de Natsumé Sôseki à une saveur culinaire, quelle drôle d'idée...Et pourtant…Il n'y a pas qu'une saveur dans ce roman, devenu un classique de la littérature , un incontournable dans l'éducation nationale japonaise.
"C'est le goût le moins mystérieux du monde, la première saveur que connaît un bébé qui tête le sein de sa mère Laurent Séminel… "c'est le goût de ce qui est bon" tranche Chihiro Masui.
Alors revenons à cette saveur. Natsumé Soseki nous entraine à travers les déboires sociaux d'un jeune professeur, au sein d'une communauté provinciale. Cest un régal de lecture tant chaque personnage acquiert sous la plume virevoltante de Soseki une silhouette savoureusement bien trempée. Roman picaresque. Salé, sucré, acide, amer. Tout semble réuni. Mais il y a sans doute une une autre saveur révélatrice. Révélatrice peut être d'un inébranlable conservatisme. J' y vois un certain pamphlet à l'encontre de la société japonaise du début du vingtième siècle qui connaissait alors mutation, ouverture, chamboulement de l'ordre de son empire éternel. Car à bien y lire, la morale de ce roman est bien la notion d'un retour aux sources qui paraît pour l'auteur être nécessaire, véritable valeur refuge, incarnée par le personnage de la bienveillante, et servante, Kiyo. le jeune professeur en étant confronté à l'hypocrisie d'une petite bourgeoisie de province voulant à tout prix sauvegarder les apparences tout en faisant montre de duplicité, de couardise, de vilenie , va peut à peu voir apparaître en lui une évidence : sa sauvegarde doit le pousser à revenir vers la vieille et protectrice Kiyo.
Soseki dénonce une société bicéphale, monstrueuse, qui ne veut garder de l'ancien monde ce qui pourrait lui mieux servir dans le nouveau.
Oui, mais voilà, les codes du Japon forment un tout inébranlable, ce n'est pas un jeu de rôles.
On ne peut jouer sur deux terrains à la fois. Il faut choisir son camp. Nouveau ou ancien. Pour Sôseki, selon moi, il ne s'agit pas de dénoncer la modernité, cela touche à la définition des valeurs portées par une civilisation, ou si le terme civilisation peut paraître un peu trop « relevé », disons à l'idée que renferme la notion de culture.
Peut être est-ce la raison pour laquelle nombre de jeunes japonais étudient cette oeuvre au cours de leur cursus scolaire. En raison de l'umami qu'il contient, de ce "goût de ce qui est bon", de cette saveur maternelle propre à une nation, saveur qui nourrit, et protège et qu'en retour, adulte, on se doit à son tour de protéger. J'ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman, qui décrit les stigmates d'un séisme culturel vécu par le Japon, et qui annonce les séquelles sous-jacentes à ce séisme, que nous retrouverons, quelques décennies plus tard, dans l'oeuvre de Mishima, entre autres.

Astrid Shriqui Garain


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