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Critique de batlamb


Ce livre rassemble deux textes de Natsume Soseki, figure tutélaire de la littérature japonaise moderne. Les deux récits sont très différents mais fondés sur un même dispositif narratif : l'auteur s'exprime par la voix de personnages naïfs (voire benêts), ce qui donne aux récits une saveur ironique, assez socratique dans l'esprit*.

Le texte éponyme est une petite farce qui met en scène les angoisses d'un être influençable, soudain désemparé que sa femme puisse être atteinte d'une maladie mortelle : suggestion implantée en lui par un ex-collocataire prenant trop au sérieux les superstitions du Japon traditionnel et alimentant ainsi la paranoïa du héros. Son délire sera tempéré par la réalité du Japon moderne, ouvert au reste du monde. Cela est mis en abyme par la réinterprétation que l'un des personnages fait de la figure du tanuki (animal magique proche du blaireau) pour la désenchanter et l'occidentaliser. le narrateur impressionnable se laisse émotionnellement balloter entre ces deux (ir)réalités, pour un résultat plaisant.

Le second texte « le goût en héritage » s'avère tout aussi versatile. Toujours sous couvert de sa narration ironique, Soseki se livre d'abord à une féroce critique de la récente victoire militaire du Japon sur la Russie (et à travers elle de l'impérialisme japonais), avant de bifurquer à droite et à gauche entre mystère familial et théorie artistique sur les contrastes. Celle-ci s'appuie d'une part sur un passage de la nouvelle ayant pour cadre un cimetière japonais et d'autre part sur l'exemple du grotesque portier ivrogne de Macbeth, qui, loin d'atténuer l'horreur et la tragédie de la pièce, les renforce. Dans les sources mêmes de cette théorie sur les contrastes, on retrouve donc à nouveau le contraste récurrent chez Soseki entre les influences traditionnelles et occidentales.
Mais les contrastes de cette deuxième nouvelle ont pour défaut de la rendre très inégale, car de belles descriptions en côtoient d'autres plus lourdes, comme quand le narrateur insiste pour dire que sa description d'une scène est… contrastée (hé oui, encore), là où cette description devrait davantage se suffire à elle-même. Et de surcroît, la fin s'avère sentimentaliste et paresseuse. Lorsque le narrateur reconnaît lui-même être en train de bâcler sa conclusion par manque de savoir-faire littéraire, on croît entendre Soseki nous dire qu'il s'est embourbé et a envie de passer à autre chose. Donc, le texte vaut surtout pour son début, véritable réquisitoire contre la guerre, ainsi que pour quelques passages inspirés, dont celui du « ginkgo fantôme » qui nous apprend que même les plantes hantent.

* normal de la part d'un auteur qui a écrit du point de vue d'un chat
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