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Critique de dannso


Encore une BD, la deuxième en quelques jours. Celle-là était dans mon pense-bête depuis quelque temps grâce à notre ami Paulo le caméléon.

Il m'a fallu un peu de temps pour rentrer dans l'histoire, un peu déroutée par ces planches en noir et blanc, peuplées de souris, dans un premier temps (les chats et les cochons arrivant plus tard). Et je ne trouvais pas le personnage du père très sympathique, son attitude vis-à-vis de sa deuxième femme insupportable, et les rapports avec son fils très compliqués. Son fils qui vient le voir, dans le but de raconter l'histoire de son père, dans une BD. C'est celle-ci que l'on a sous les yeux, mêlant le récit de la vie de Vladek et les épisodes au présent des visites de son fils.
Les vignettes sont souvent petites et pleines de détails, ralentissant un peu la lecture si on veut les regarder soigneusement.

Les premiers chapitres racontent la vie de Vladek avant la guerre, son mariage avec celle qui sera à jamais l'amour de sa vie Anja. La famille de sa femme est riche, tout aurait pu aller très bien pour eux, mais Ils sont juifs, Hitler est au pouvoir en Allemagne et la guerre éclate bientôt.

A travers le récit de son père, l'auteur retrace l'histoire de ces juifs polonais, dont la plupart vont terminer leur vie dans les chambres à gaz, après avoir été d'abord regroupés dans des ghettos.
Cette histoire a beau avoir été racontée de nombreuses fois, il est toujours utile et nécessaire de lire ces témoignages, et celui-ci en particulier.

Il y a d'abord la forme, c'est une BD, et vue mon expérience réduite dans ce genre littéraire, je n'avais jamais abordé la Shoah de cette façon. Et la spécificité de celle-ci est le choix fait par l'auteur de représenter les humains par des animaux, Les juifs sont des souris, les SS des chats, les Polonais des cochons, et sa femme d'origine française aurait pu être une grenouille, si elle ne s'était par amour convertie au judaïsme. Ce choix, déroutant dans un premier temps, est finalement très intéressant. Il montre comment les hommes sont classés, il n'y a pas d'entre-deux : si tu es juif, tu n'es pas polonais, Une souris n'est pas un cochon, et le port d'un masque ne permet pas d'oublier son appartenance à une catégorie.

Sur le fond, j'ai beaucoup aimé les aller-retours entre passé et présent. L'auteur montre ainsi les conséquences de ses épreuves passées sur le caractère de Vladek, et j'ai mieux compris ce qui m'avait déplu chez cet homme dans les premières pages.

C'est un roman sur la Shoah et ce qui s'est passé pendant la guerre. Vladek raconte son histoire, ce qui lui est arrivé à lui personnellement, comment il a survécu, les choix qu'il a du faire. Il mentionne ceux qui l'ont aidé, ceux qui l'ont dénoncé. Ces évènements sont racontés sans détour par Vladek, Il a essayé de survivre, tout simplement.
Mais c'est beaucoup plus que cela. L'auteur aborde aussi la transmission du père au fils, transmission difficile car les souvenirs sont douloureux pour le père, mais aussi pour le fils. Et c'est le le dernier aspect abordé par l'auteur qui relate ici son expérience, la difficulté pour les enfants de survivants de surmonter ce qui est arrivé à leurs parents, et de vivre avec le poids de leurs souvenirs, eux qui n'ont pas souffert dans leur chair, ont parfois du mal à profiter de leur vie et ne pas se sentir coupables.

Une BD très riche tant par l'histoire qu'elle raconte que par les choix graphiques de l'auteur pour représenter les évènements et les sentiments. Un autre exemple est la façon dont il se dessine, après la parution de la première partie de la BD, quand il en raconte le succès, et paradoxalement le malaise que cela génère chez lui, la sensation de ne pouvoir échapper au fantôme de son père, il se dessine comme un enfant, un enfant souris bien sur.

Merci infiniment Paulo. Je sors bouleversée de cette lecture, cet auteur a réussi à me toucher avec ce noir et blanc, ces souris, et la sobriété de cette BD.


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