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Critique de Pecosa


Comment la Nouvelle-Orléans est-elle devenue la capitale de l'Etat libre de Louisiane en s'appuyant sur la Police du Peuple et l'improbable alliance d'un flic noir du ghetto, d'un propriétaire de bordel et d'une reine vaudou? Vous le saurez en lisant cette remarquable uchronie (légère) dans laquelle Norman Spinrad dissèque avec un scalpel enduit au vitriol les rouages de la politique américaine.
Katrina a laminé la Louisiane, et la grande Déflation qui a suivi a fini de l'anéantir. Les maigres efforts des pouvoirs publics se sont portés sur la zone touristique du French Quarter, poumon économique de la ville et sur un Carnaval d'opérette pour touristes en quête de sensations fortes. le reste de l'Etat, qui n'a rien plus rien à envier à l'ancien royaume de Barataria de feu Jean Lafitte, croupit dans des eaux saumâtres, gangréné par la misère et la violence.
Quand le policier Luke Martin, qui a réussi à sortir de ce No Man's Land grâce à un diplôme du Lycée Brad Pitt doit faire appliquer son propre avis d'expulsion, la machine s'emballe.

La Nouvelle-Orléans a toujours été un aimant à renégats, pirates et autres trafiquants. La Grosse Facile, la Pécheresse, est l'épine dans le pied des fondus de la Bible et de la gâchette. Que Marylou Boudreau, auto-proclamée réincarnation de Marie Laveau, devienne, après une rencontre fortuite avec Papa Legba, le réceptacle de tout le panthéon vaudou, et une star de télévision régionale sous le nom de "Mama Legba et sa Troupe surnaturelle", passe encore. Mais que le N.O.P.D., une des pires polices du pays, Gang Suprême des Marais, qui fait des cartons en hydroglisseur, se pique de devenir la "Police du Peuple" et refuse d'appliquer les mandats d'expulsion, trop c'est trop. Les élections approchent et il est temps de faire le ménage dans la Big Easy.
"Si vous excitez suffisamment les ploucs, les pauvres blancs et les fondamentalistes de tous poils contre La Nouvelle-Orléans, la ville sans Dieu Athée, ils ne remarqueront sans doute pas que les Pouvoirs en Place qui saisissent leurs fermes et leurs maisons, vous tiennent vous aussi par les couilles et vous pourrez peut-être embobiner une fois de plus les péquenots pour qu'ils votent républicains contre ce qui est de toute évidence leur propre intérêt."

Police du peuple ( Police State dans le texte) est une critique féroce, brillante, drôle et salutaire de l'appareil politique américain sclérosé par l'argent,les intérêts économiques, l'hypocrisie et la bêtise abyssale. Dans cette politique fiction, le temps du récit colle si près à la réalité, l'événement divergent est si ténu, que l'on navigue à vue ..., ici le fantôme de Huey Long, là la gestion de Katrina par les instances fédérales et locales, là encore les déclarations de Mitch Landrieu sur la police de la Nouvelle-Orléans,... La voix de Spinrad s'élève, lucide et singulière, mêlant émeutes, désobéissance civile et incroyable appétit de vivre, rendant au Carnaval sa fonction cathartique le tout dans un rythme échevelé.
Je voterai désormais Spinrad, que j'avais toujours hésité à lire à cause de "l'étiquetage" S.F, qui a eu l'idée géniale de transposer son récit dans un état unique, de par sa situation géographique et son héritage historique et culturel. "De gustibus non disputandum", comme le dit si bien Jean-Baptiste Lafitte, le sale rat des Marais.
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