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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"La croyance dans les démons se trouve à la racine de notre concept de causalité."
(A. Einstein)

Voyage, voyage... dans le temps, entre les galaxies, à l'intérieur du corps humain... la SF a déjà exploré un tas de chemins. Mais arrivez-vous à imaginer un voyage dans la causalité ?
Nous savons tous qu'il y a un rapport irréfutable entre la cause et son effet; autrement dit, la connaissance de la "cause" permet de prévoir des "choses" à venir. On sait pourquoi notre corps vieillit, et pourquoi il en va de même pour les choses qui nous entourent. Alors, logiquement et en toute lucidité, on peut prévoir notre inévitable "retour à la poussière". C'est triste, mais c'est comme ça; les empiriques et les positivistes ne vont pas le démentir. Avec sa phrase, Einstein rajoute un brin de métaphysique, et on commence déjà à se rapprocher du livre de Spitz.
J'ai un rapport spécial, avec la SF. Quand j'ai envie d'un peu de SF, je me contente d'imaginer qu'il y a quelque chose d'intéressant le samedi soir à le télé, ou que je fais le ménage pour le plaisir. Sauf que, dans ce cas, le rapport de cause à effet est un peu brouillé, et le peu de SF qui a passé entre mes mains m'a toujours bien plu. Y compris ce court roman de Spitz, qui nous immerge peu à peu dans sa sombre vision de la "causalité".

Il ne serait peut-être pas sans intérêt de savoir quelque chose sur cet auteur un peu oublié par les éditeurs, né dans la dernière décennie du 19ème siècle. Est-il tout à fait compréhensible de devenir écrivain et poète surréaliste après des études d'ingénieur ? La plupart de ses romans fantastiques datent des années 30-40, et le surréalisme, l'un des courants toujours en vogue à l'époque, s'y reflète avec bonheur, sans oublier le fait que cet ancien diplômé de polytechnique sait vraiment bien écrire, et possède le don de rendre ses descriptions aussi visuelles qu'un roman-photo.

Jean Poldonski est un misanthrope cynique, un peintre dépressif au génie incompris. Par hasard, son chemin va croiser celui de Dagerlöff, un étrange vieillard et un "génie" authentique, comme l'affirme la carte de visite qu'il offre à Poldonski. Leur bref échange convainc plutôt le peintre que ce Dagerlöff est un authentique fou, mais quelque chose l'attire : peut-être ces divagations sur la causalité, peut-être juste l'envie de mépriser ouvertement ce prétendu "génie". Peu importe, car Poldonski a déjà décidé de faire ses "adieux au monde cruel", le soir même de la dernière altercation avec Dagerlöf. Pourtant, quelque chose a changé...
Ses idées morbides s'envolent comme par magie, car soudain le monde devient un merveilleux paradis parfaitement équilibré. Mais pour combien de temps ?
Quand vous commencez à remarquer des petits détails - un coin jauni de votre livre, une fleur fraîchement cueillie déjà fanée, un cheveu blanc qui n'était pas encore là hier - cela peut encore aller.
Et puis, tout s'accélère.
Vous vous souvenez peut-être de cette scène dans le "Dracula" de Coppola, où le bouquet de fleurs sèche subitement au passage du vampire : voilà le monde tel que le voit désormais Poldonski. Chaque regard dans son miroir est une contemplation du portrait de Dorian Gray, et ses sorties deviennent peu à peu des excursions dans les gravures macabres de Vogelmut. A la fois terrifiant et hilarant, mais comment ne pas devenir fou : tout cela n'est qu'une illusion, un effet d'optique vu par l'oeil du purgatoire; le monde se porte à merveille. C'est le regard de Poldonski qui ne va pas, alors comment se comporter avec ses proches, en train de devenir des... brr !
Et quoi faire, en voyant sa propre mort s'approcher dans un miroir, en supposant que dans le monde "normal" nous sommes toujours bien portants ? Où est Dagerlöff ? Et comment tout ça va se finir ?

4/5 pour cette histoire toute en images, à la fois drôle et inquiétante, écrite avec beaucoup d'inventivité. Et un grand merci à la Grenouille de l'étang pour me la faire découvrir !
Tiens, c'est normal que le pain acheté ce matin est déjà aussi sec, ou alors...
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