AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de JustAWord


Toujours à la recherche d'oeuvres graphiques originales et détonantes, les éditions HiComics traduisent cette fois en langue française le comics Alienated de Simon Spurrier (Hellblazer, Judge Dredd…) au scénario et Chris Wildgoose (Porcelaine, Gotham Academy…) au dessin sans oublier André May (Porcelaine) à la colorisation.
Encensé par un certain Brian K. Vaughan, Alienated se penche sur l'étrange découverte de trois jeunes de la petite ville de Tangleterre : Samuel, Samantha et Samir. Une oeuvre forte et particulièrement intelligente.

Tout commence par la rencontre imprévue de trois adolescents dans les bois qui bordent Tangleterre. Samir, Samantha et Samuel ont, à première vue, rien en commun si ce n'est que les trois se tiennent à la marge de leur lycée, tous parias à leur façon.
Samuel est le « p'tit nouveau » qui ne fait que changer d'école car le travail de sa mère l'oblige à déménager régulièrement.
Samir, c'est le « Pakistanais » de service qui semble toujours optimiste malgré le mépris alentour.
Samantha, c'est celle que l'on ne regarde pas et que l'on traite de « salope » dans son dos sur la foi d'une simple rumeur.
Ces trois élèves atypiques ont un autre point commun : ils détestent Léon, le misogyne raciste et facho de service qui insulte les autres à tour de bras.
Mais cet équilibre précaire entre haine et préoccupations adolescentes est sur le point de se rompre quand les trois « Sam » tombent sur un mystérieux artefact dans les bois qui s'avère non seulement être une forme de vie extra-terrestre mais qui leur donne également un pouvoir d'empathie les reliant les uns aux autres de façon unique, capables ainsi de leur faire découvrir les plus profondes blessures qui se terrent en eux.
De ce postulat, Simon Spurrier va développer une histoire sur l'adolescence, avec des adolescents et par des adolescents. Non seulement l'auteur découvre petit à petit avec le lecteur les failles de chacun de ses personnages, mais il dresse également le portrait d'une société moderne malade et obsédée par « le fait d'être aimé, d'être vu ».
Alienated n'est pas un simple récit de premier contact (avec une forme de vie au demeurant attachante et diablement bien pensée), c'est aussi l'analyse d'une vie adolescente à l'ère du numérique, du vlogs et des réseaux sociaux.

Derrière ses allures de teenage-movie, Alienated (d'où son titre d'ailleurs) explique comment le jeune adulte se prend les pieds dans une société où l'image, les likes et la popularité sont devenus un tout écrasant.
Sauf que voilà, au-delà des vlogs militants et des combats sociaux radicaux, les extrêmes se forment et l'on en oublie que chacun porte en lui des blessures qui expliquent tout ou au moins une partie de sa personnalité.
Samantha, abandonnée par son copain alors qu'elle doit recourir à l'IVG.
Samuel, sans attache et qui veut absolument exister à travers ses vidéos.
Samir, musulman homosexuel qui porte la culpabilité du départ de son père.
Avec les possibilité offertes par Chip (surnom de l'entité extra-terrestre trouvée par les adolescents), chacun va pouvoir changer son monde. le problème là-dedans, c'est que la peur, la haine et la colère sont bien mauvaises conseillères et que l'on devient rapidement ce que l'on pense combattre.
Samuel en sera le parfait exemple. Simon Spurrier parvient à saisir de façon magistrale les tortures adolescentes et les maux qui rongent des esprits incapables de saisir que la popularité n'est pas tout et que le monde du militantisme clinquant est loin d'être aussi idyllique qu'il n'y paraît.
Le parallèle entre Léon, gamin paumé sur la route de Columbine, et Samuel, autre paumé qui se rêve en défenseur des minorités, des opprimés et d'une morale selon lui bafouée, devient passionnante quand on se rend compte que les deux extrêmes se rejoignent et se trompent tous les deux de solution… pour les mêmes motivations profondes.
Ce qui fait aussi la force d'Alienated, c'est le trait incroyable de Chris Wildgoose qui offre une dynamique et une beauté évidente à cette histoire complexe, encore magnifié par le travail de colorisation d'André May.
Alienated offre finalement une réflexion passionnante et brillante sur cette période si difficile qu'est l'adolescence tout en captant l'un des plus gros problèmes posés par notre société numérique : la quête de popularité (qui rejoint forcément l'envie des jeunes de 2021 à l'heure de TikTok et YouTube).

Sublime et brillamment mis en scène, Alienated permet non seulement à Simon Spurier d'explorer les méandres de l'adolescence avec une sensibilité rare mais également de parler de l'influence de notre société numérique sur la jeunesse. Rajoutez-y une entité extra-terrestre poignante et originale et vous voilà devant l'une des (très) bonnes surprises comics de ce début d'année !
Lien : https://justaword.fr/alienat..
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}