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Critique de Tatooa


Les autobiographies d'Amérindiens ayant vécu l'invasion, ça ne court pas les rues.
Du coup, pour moi, c'est une première.
Petite précision de départ : Luther "Ours debout" chef des sioux Oglalas vers 1868/1939) n'est pas le Standing Bear chef des Poncas qui est né beaucoup plus tôt (vers 1829).

Et c'est passionnant... Déprimant, aussi...
On aurait eu tant à apprendre d'eux. On a tout détruit. C'est une constante, chez "l'homme blanc". On est des cons. Il faut bien le dire...

On sent que, pour être "publié", Luther ne dit pas tout. Par moments une remarque sarcastique lui échappe. Comme celle sur "le temps où la parole des Indiens valait de l'or, ils n'étaient pas encore "civilisés", que j'ai mise en citation, ou sur le fait que donner de l'argent aux Indiens, au départ, n'avait aucun sens, ils n'en connaissaient rien, et donc il était facile de les abuser. Ou encore quand il dit que les Indiens "natifs" étaient au final aussi chrétiens voire plus (même avant la colonisation) que les hommes blancs (étonnant que ça ait échappé à la censure, ce passage, d'ailleurs (ou l'ironie leur a échappé)).

Pour les Indiens "posséder la terre" n'avait aucun sens, au départ, je le rappelle... Je reviens sur l'achat de l'île de Manhattan pour de la verroterie (60 Florins) par ce saligaud de Pierre Minuit en 1626, par exemple, parce que je me demande encore comment ces gens pouvaient se regarder dans un miroir. Tous ceux qui sont allés là-bas. Mon mari m'a rappelé que les colons c'était pas le "meilleur" des pays européens. N'empêche... Saloperie de mentalité de merde, et qui n'a pas changé d'un iota... Vu hier soir, des centaines de milliers de morts dûs aux opioïdes aux USA pour que les boites pharmaceutiques fassent DU PROFIT ! Voilà toute la considération qu'ils ont là-bas (et sommes-nous différents ?) pour la vie humaine à l'heure actuelle. Crevez, tant qu'on gagne du fric dont on sait plus quoi faire tellement on en a... C'est beau l'humanité, non ? ça n'a pas changé depuis la nuit des temps, au final.

Mais revenons à notre livre : L'abandon forcé de leur mode de vie ancestral, décrit par le menu car l'enfance de Okta Kte (Luther) s'est déroulée selon ce mode de vie (arrêt brutal avec le massacre volontaire de tous les bisons, leur ressource essentielle, qu'il vit de ses yeux et sentit de ses narines, et coulent mes larmes...), apparaît comme inhumain, malgré la "douce" description qu'en fait Ours Debout. Les enfants sont envoyés loin de leurs familles, pendant 3 ans, dans des écoles à la discipline militaire "de blancs" (l'école Carlisle, première du genre, est dirigée par le capitaine Pratt, qui a dit "Pour sauver l'homme il faut tuer l'indien" (ce qui signifie qu'il faut tuer leur culture. Ours Debout est un exemple "phare" de la "réussite" de cette théorie. Rare. Les autres deviennent alcooliques au dernier degré, pour la plupart...).

On tente de les plier à la culture européenne et à la religion chrétienne. Luther part à 11 ans. Il sert de faire-valoir indien à l'école. Son père lui ayant dit d'apprendre un maximum de choses des "blancs", condition pour survivre selon lui (ce qui était très réaliste), il va donc employer toute son intelligence et toute sa volonté à se couler dans ce qu'on attend de lui. Ses condisciples indiens tombent comme des mouches, les enfants qui meurent à l'école sont nombreux.

Plus tard, il va travailler dans un grand magasin, montant les échelons (étant payé sans doute une misère par rapport aux "blancs" à travail égal). Son père monte également une petite boutique.

Plus tard encore il sera interprète et "chef" des Indiens du spectacle de Buffalo Bill, il voyagera en Angleterre avec sa femme, à cette occasion. Ils auront un bébé là-bas, pendant la tournée, mais cet enfant ne survivra pas longtemps.

Ours Debout est un exemple de "réussite" du lavage de cerveau entrepris par les "blancs". C'est absolument déchirant comme témoignage. Il essaiera de concilier toute sa vie la survie et le bien-être de son peuple en étant "servile" avec les blancs, le peu qu'il peut en sauver. Il était à mon avis très intelligent et sans doute intérieurement désespéré, car il tombera gravement malade pendant plus d'un an, à son retour d'Angleterre. Il survit, cependant, pour être ensuite nommé "chef des sioux Oglalas", après son père. Il tentera de se battre pour son peuple, mais "l'agent" (le sale type blanc qui abuse de sa position pour s'enrichir honteusement) de la réserve, soucieux de préserver ses avantages, montera le "peuple" (alcoolique) sioux contre lui et il se fera éjecter. Suite à ça il ira en Californie tourner dans des films. Nouveau constat : les rôles principaux d'Indiens sont tenus par des blancs grimés.

Je vous laisse en citant la fin de son livre, écrit en 1925 :
"La vieille sentence "le seul bon indien est un Indien mort" n'est plus une expression en cours. L'Indien a autant de grammes de cervelle que son frère blanc, et avec de l'éducation et de l'instruction, il deviendra le vrai citoyen américain, dont la race blanche sera justement fière.
Au moment où j'écris ces dernières lignes, j'ouvre une agence de placement pour les Indiens qui, je l'espère, aidera au progrès de toute la race. L'Indien a de grandes qualité, il est capable de tenir des postes importants où il y a de la responsabilité, si on lui en donne seulement l'occasion.
Et pourquoi ne pas la lui donner ?"


............

L'homme bon espère qu' "on" lui donnera raison puisqu'il a raison.
Mais il faut s'avoir que dans le monde qu'on a construit, notre "civilisation", l'homme bon crève avec son espoir toujours déçu.
Géronimo avait sans doute davantage raison qu'Ours Debout. Même si celui-ci est mort plus âgé. Je m'en vais découvrir ça de ce pas...
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