Le désir fantôme

— Pourquoi les hommes meurent-ils à la guerre ?
— Pour rien.
— Moi, quand je serai grande, je veux mourir pour l’amour… (p. 94)

Dans un soudain état de grâce, le texte se donnait à lui. Il l'imaginait sur scène, révélé par lui et le révélant à lui-même. Il fallait qu'il le monte, au risque d'en perdre le sommeil. (p. 64)

La compassion a tant à faire qu'elle passe rarement deux fois au même endroit. (p. 113)

La blessure était demeurée tapie dans la cire chaude du cœur. (p. 80)

Tout ce qu'il avait cru impossible était désormais probable à cause d'un petit parvenu au front borné, à la bouche chagrine et brutale, qui voulait dominer le monde et dont le formidable talent d'acteur galvanisait les foules. « Nous sommes un peuple, nous voulons être une nation », Adolf Hitler, fils de douanier, amateur d'opéra, friand de gâteaux aux noix mais surtout des tartelettes aux fraises nappées de crème Chantilly du salon de thé du Carlton, à Munich. (p. 68)

Durant un an, elle s'était imaginée comme l'une de ces stars, blanche sous des dentelles noires, marchant vers lui dans un sillage de Fleurs de rocaille, et il la transportait sur la couche sans se presser pour lui enlever ses dentelles, l'effeuillant avec art tandis qu'elle dérivait avec élégance au-dessus des paysages, des cours d'eau, des fleurs en technicolor, sortis tout droit des studios de la Paramount Pictures.
La chair irradiée par la jouissance se fiche royalement des scénarios hollywoodiens. (p. 42)

Le désir amoureux est si retors que l'être qu'il prend en otage en vient à pactiser avec lui. (p. 33)

La tristesse de Marie avait entrebâillé son cœur, et l'amour en avait profité pour s'y faufiler. (p. 27)

S’il avait été vivant, je ne crois pas que Dieter aurait couru à Berlin. Convaincu, comme Thomas Mann sur son lit de mort, que l’Allemagne ne serait plus jamais heureuse, il se serait plutôt retranché dans son appartement du Vieux-Schwabing ou dans son bureau du Rezidenztheater sans même regarder les images télévisées des bulldozers perçant les premières brèches dans le mur. (p. 18)