Un acte suffit à mettre la mécanique en branle.On engendre des monstres sans le savoir,et on ne s'avise de leur existence que quand il est trop tard pour les domestiquer.
Il suffit d'un peu de mauvaise foi pour que l'action la plus charitable devienne nuisible.
Être,ce n'est pas s'éveiller,sentir la vie en soi,entendre les folles pulsations du sang à son poignet.Être,c'est porter un nom,donner des dîners,rendre des visites,se montrer à la cour,aller au théâtre.Et tout perdre,ce n'est pas perdre la vie,mais se laisser dépouiller de ses privilèges,des étiquettes rassurantes dont on parsème son existence,de son emploi du temps.
-Mais..on dit que cette femme est un monstre,balbutia Antoine.Je me demande...
-Si je le sais?On parle trop de monstre depuis quelque temps.On raconte qu'elle est fort douce...
-Le diable aussi sait être doux.
Vous croyez faire beaucoup en renonçant aux artifices de toilette; mais que faites-vous des artifices de votre âme? Mieux vaudrait que vous mettiez du rouge et que vous vous confessiez!
La mémoire, avec ses souterrains gris de poussière (les morts n'y sont pas immobiles, ni rigides,ni muets), ses cendres palpitantes où le feu sommeille,ses pièges où l'on peut mettre des années à mourir, est une sûre prison.
Patience! Ce mot lui est facile à dire, à lui qui possède tout, la liberté,celle d'entrer,de sortir,de se mêler à la foule,d'entretenir des intrigues en ville et des maîtresses à la campagne.Mais pour elle, ce mot est comme le gel qui fige l'eau dans les puits et raidit les cadavres sur la route.
Tous les rôles sont dangereux pour une criminelle en fuite, sauf celui de la quiétude qu'elle joue si mal,et celui de la piété qu'elle joue trop bien (on finirait par s'y laisser prendre).
La ville a le visage de l'exil, c'est assez pour la haïr.
Dieu est hors de prix cette année.Il faut sauver la face,sauver les âmes,sauver quelques pauvres aussi.