Une nuit, elle avait rêvé qu'elle entrait à tire-d'aile dans le fjord. Elle était un oiseau immense, l'envergure de ses ailes était telle qu'elles touchaient presque les deux parois rocheuses au moment où l'espace qui les séparait se rétrécissait. Puis, elle s'était approchée du village, elle ne pouvait plus déployer tout à fait ses ailes. Elle avait dû parcourir la distance restante en les rabattant le long de son corps d'oiseau, morte de peur à l'idée de s'abîmer dans la mer, d'y couler sans espoir d'en ressortir. Dans son rêve elle savait qu'elle allait se prendre les ailes dans l'épave de l'El Grillo, qui reposait dans sa tombe humide et froide au milieu du fjord, comme afin de rappeler de façon funeste que tous les bateaux n'arrivent pas à bon port.
Les incendies étaient les pires des affaires sur lesquelles enquêter. Les lieux étaient toujours partiellement voire complètement détruits quand ils n’avaient pas tout bonnement disparu. Les indices étaient masqués par ceux laissés par l’intervention des pompiers et n’avaient, par conséquent, aucune utilité. En outre, il était rarement possible d’établir un rapport entre l’auteur et les victimes. Du reste, nombre d’incendies criminels n’étaient jamais élucidés.
Ce que les enquêteurs avaient en main se résumait à quelques connaissances de base à propos des pyromanes. La plupart d’entre eux
étaient des adolescents confrontés à des problèmes d’ordre psychologique
ou social. Nombre d’entre eux avaient, dans le passé, tué ou torturé des animaux, des bestioles plus ou moins grosses. Valdimar avait entendu un enquêteur étranger affirmer que si des chats se mettaient à disparaître quelque part ou qu’on les retrouvait brûlés, il fallait s’attendre à ce qu’un pyromane adulte se manifeste prochainement. À l’époque, il avait essayé de poser des questions sur ce thème aux gens de Seyðisfjörður, mais cela ne l’avait conduit nulle part.
On peut toujours compter sur la conscience des gens, c’est elle qui les condamne le plus durement.
Il n'y avait plus qu'une odeur de brûlé, froide et âpre. Tôt le matin, Smari Josepsson, brigadier-chef à Seydisfjödur, inspira profondément à plusieurs reprises avant de franchir la porte du domicile du capitaine Porsteinn Einarsson et de son épouse Hugrun, qui avait été ravagé par les flammes la nuit précédente. Il tenait à la main une puissante lampe torche.
Il y a pourtant certains instants d’apaisement où l’amour semble encore être l’une des voies offertes par le monde. On goûte ces instants, comme n’importe qui, en espérant les voir durer un peu. Mais ils s’évanouissent d’un seul coup. On ne parvient même plus à maîtriser ses espoirs car la haine nous a plongés dans un gouffre si profond que le rai de lumière tout en haut, au-dessus de nos têtes, se transforme en une autre de ces ruses employées par les ténèbres afin d’apparaître plus sombres et plus abyssales qu’elles ne sont réellement.
La frontière est parfois mince entre les opinions erronées et les mauvaises actions.
On essaie de se construire une vie convenable, mais peu importent nos tentatives, il se passe toujours un truc qui vient tout foutre par terre.
L’homme n’a pas seulement droit au bonheur, il lui incombe également, dans une certaine mesure, de partir à sa quête.
C’est toujours un soulagement de partager ce qui nous inquiète.
Il faut battre le fer tant qu’il est chaud. C’est maintenant que nos cœurs à tous battent à l’unisson ; d’ici quelques jours, l’occasion nous aura peut-être filé entre les doigts, s’enflamma-t-il.