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Critique de Milllie


1905, la jeune Elsa tout juste 18 ans fuit ce qui fut son foyer, une mère décédée et un père remarié avec une femme plus jeune que lui de 20 ans. Départ vers l'Ouest, comme les pionniers, vers les grands espaces du Dakota, une ville nouvelle où l'accueille son oncle et où elle tombe amoureuse de l'étonnant Bo Mason. Bo rêve de faire fortune, épouse Elsa et l'entraîne dans ses rêves : toujours plus loin, toujours à l'affût de la bonne affaire, celle qui le rendra riche et lui permettra à son tour de croquer une bonne tranche de cette montagne en sucre qui paraît-il attend les audacieux.

Beau pavé que ce roman de 800 pages dans lequel j'ai un peu hésité à me plonger mais dès le premier chapitre on est happés par une lecture qui a le charme des westerns éternels et du mythe américain qui nous a bercés : voici cette jeune Elsa dont on ne sait rien, seule dans un train qui file vers l'Ouest, ayant abandonné tout ce qu'elle connaissait à la recherche d'une vie meilleure. Et la voici qui rencontre celui qui deviendra, comme le dit la formule et à juste titre dans son cas, pour le meilleur et pour le pire, son mari, le flamboyant Bo Mason. Bo a grandi dans une famille dysfonctionnelle avec un père violent, s'est enfui adolescent et a cherché fortune de par les routes en exerçant tous les métiers dans une époque où un garçon débrouillard et costaud pouvait faire à peu près ce qu'il voulait. Mais cela ne lui suffit pas : Bo est à la poursuite d'un rêve, LE rêve pour tout américain qui se respecte, faire fortune à partir de rien. Alors Bo écoute avec envie les récits des pionniers partis à l'ouest, il est à l'affut de toutes les bonnes pistes pour devenir riche et n'aura de cesse de se battre, de travailler, de braver vents, marées, policiers ou adversaires se mettant en travers de sa route, de faire assaut de toute sa force physique et de son intelligence pour contourner les obstacles. Et dans cette quête insensée, Bo entrainera Elsa, son épouse, puis ses 2 enfants, Elsa qui n'aspirerait qu'à construire un foyer et à profiter de l'amour des siens, Elsa dont l'amour pour son mari ne s'étiolera jamais malgré tout ce qu'il lui fait subir, Elsa qui se contentera de si peu et qui pourtant, toujours, protégera les siens.

Wallace Stegner, que je lis pour la première fois, a l'art de construire des personnages si attachants qu'on a l'impression de les connaître depuis toujours. Quels magnifiques portraits que ce Bo qui veut à tout prix faire ses preuves mais qui hélas pour lui semble né trop tard, l'époque des pionniers et du Far West étant déjà presque révolue, et surtout cette Elsa, si forte sous ses apparences fragiles. le roman semble en partie autobiographique, l'histoire de Bruce le 2nd fils d'Elsa et Bo ressemblant par bien des aspects à celle de l'auteur lui-même et on sent transparaître à travers les pages tout l'amour que Wallace Stegner éprouvait pour cette mère courage (et sans doute pour ce père à la fois haï et admiré). le roman prend son temps et nous laisse tout le temps de mieux connaître et apprécier cette famille avec qui on va passer près de 20 ans. On y retrouve aussi en filigrane l'histoire des États-Unis des années 20, la fin du mythe de la ruée vers l'ouest avec ces villes pionnières au milieu de rien, l'arrivée du chemin de fer, les colons tentant de faire leur un bout de terrain hostile au milieu de rien, et puis petit à petit la civilisation qui gagne du terrain, les villes qui se développent et hop déjà la première guerre mondiale en filigrane puis l'époque de la prohibition. Petit bémol, j'ai parfois trouvé quelques longueurs à ce roman, notamment dans sa trame narrative qui se fait un peu répétitive au milieu du livre : Bo a une nouvelle idée, traîne femme et enfants derrière lui, échoue à devenir riche, et hop on recommence... A force cela devient un peu prévisible et certains passages auraient peut-être gagné à être un peu plus concis.

La montagne en sucre vaut vraiment le coup d'être découvert malgré son côté un peu imposant qui peut impressionner. C'est un roman que j'ai savouré (et vu sa taille il y a de quoi en profiter longtemps) et dont certains passages me resteront longtemps en tête : ces magnifiques scènes dans la nature sauvage et l'immensité des états de l'ouest des États-Unis et du Canada, ces aventures insensées du temps de la Prohibition, dignes des meilleurs films américains, et surtout, surtout, la justesse de cette description d'un homme qui poursuit un rêve inaccessible et n'aura de cesse d'atteindre son but pour sa famille, pour ceux qu'il aime sans réaliser que ceux-ci ne lui ont rien demandé et qu'il est ainsi en train de blesser ceux qu'il aimerait protéger. Très beau, très américain et en même temps universel !
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