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Critique de PatriceG


George Steiner (1929-2020)

S'il y a des choses que je regrette de cette sapristie Covid qui nous gâchait la vie, c'est que George Steiner, le grand professeur est mort à Cambridge dans un quasi silence.

George Steiner, une voix qui me manque, une voix qui me faisait trembler d'émotion quand il parlait de Tolstoï et Dostoïevski ; je devenais frénétique, fiévreux au son de sa voix, il ne fallait pas me déranger. Il arrivait vite à galvaniser son auditoire comme un joueur de tennis qui arrive sur le court chaud bouillant après un entrainement exigeant. En fait, Il semblait dans un monde qu'il devait ne jamais quitter ! C'était cela aussi qui impressionnait.
A quoi cela était dû ? il en parlait trop bien sans doute, il avait tout lu déjà, il avait réussi je pense comme celui qui arrive avec une force insoupçonnée à se tailler une place de choix dans un arbre pour voir mieux que tout le monde l'entrée de l'artiste qui nous fascine, nous subjugue. Il s'est rapproché d'eux en fait, grâce à son éloquence et à son érudition. Comme il était doué pour apprendre, pour les langues et la littérature, la philosophie, il a tout compris de ces deux géants, il en a percé les secrets ; il ne les a pas comparés, non, il les a réunis si singuliers, si différents, dans un livre qui est une référence, ce que personne n'a réussi à faire. Il y a des réflexions, des tranches de vie côte à côte, de la sublimation. Il nous dit que ce n'est pas à lui de trancher, que c'est à chacun d'avoir sa préférence en nous donnant suffisamment de grain à moudre. Il a sa petite idée bien sûr, mais par intelligence, il se refuse à la donner car il sait très bien que quand on est sur la ligne de crête, y mettre une fausse note pourrait engendrer une incompréhension plus qu'un avantage de l'un sur l'autre.

Pour moi Tolstoï et Dostoïevski, c'est comme les Stones et les Beatles, ça n'arrive qu'une fois par siècle, et encore.. j'étais Stones, franchement Stones et ai été bercé par les deux, j'achetais leurs disques et je me demande avec le temps si je ne suis pas en train de réparer ces écarts, pour finir il ne me plairait pas de parler de l'un sans parler de l'autre. C'est ce qu'il se passe pour Tolstoï et Dostoïevski. Qui sait si l'un ne s'est pas fait à l'ombre de l'autre, même éloignée, que seuls les égos séparaient, et réciproquement ?

C'était le voeu que s'apprêtait à réaliser Alexandra Tolstoï, jeune tante de Léon Tolstoï, attachée à la cour des tsars, si jeune qu'il en était amoureux, elle fut longtemps sa confidente. Il se trouvait qu'Alexandra comptait dans ses relations Dostoïevski dont elle admirait l'oeuvre : ils étaient amis. Elle était sur le point de les réunir pour la première fois, elle n'aura pas réussi son rêve car Dostoïevski est mort entre temps.

Alors je ne sais pas si George Steiner était au courant de cet épisode, quoiqu'il en soit il a su nous restituer avec brio ce lien invisible entre les deux géants.
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