AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Musa_aka_Cthulie


Après avoir hésité plusieurs fois à lire cette pièce qui semblait éloignée de ce à quoi nous avait habitués Strindberg, je me suis enfin lancée. Et je le dis tout de go : impossible pour moi de résumer même succinctement l'intrigue ; comme le dit un personnage de la pièce, "c'est un peu compliqué", et comme lui répond du tac au tac un autre, "c'est terriblement compliqué". C'est plein de personnages soit morts, soit bizarres d'une façon ou d'une autre. Au centre se trouve une maison typique du bonheur bourgeois, mais emplie de secrets et où quelqu'un vient de mourir. Un vieillard semble tramer une vengeance, tout au moins un plan en rapport avec les habitants de cette maison, tandis qu'un étudiant qui voit des apparitions, des fantômes, des revenants, des morts quoi, se trouve impliqué bien malgré lui dans les projets du vieillard.


Ce n'est pas tant ce qu'on découvre sur les habitants de la maison et d'autres leur étant liés qui provoque de l'étonnement - ils ont tous commis quelques turpitudes, d'autres plus que d'autres et plus infâmantes, comme des meurtres et ce genre de choses. C'est plutôt cette ronde de personnages qui intrigue, tellement ils paraissent pour la plupart interchangeables, chacun ou presque se dédoublant, parfois dans plusieurs autres personnages. Ainsi, La Cuisinière qui apparaît dans l'acte II commet les mêmes actions - affamer ses maîtres de diverses manières - qu'on avait mis sur le compte du Vieux plus tôt dans la pièce ; et c'est loin d'être le seul exemple. Ainsi également, un personnage qui était un maître de maison est devenu un domestique, et un autre dans le même temps est passé de domestique à maître. Tous se mentent, chacun se fait passer pour ce qu'il n'est pas, et le personnage qui incarne le mieux ce principe, visuellement et physiquement, c'est celui appelé La Momie - en fait l'épouse du maître de maison (si tant est qu'on sache qui est le maître de maison), dont la beauté et la jeunesse ont été figée bien des années plus tôt dans une statue qui ne lui ressemble plus en rien, au point que chacun est effaré de son apparence réelle.


Revient également un autre leitmotiv : celui de la confrontation des classes sociales. Vous aviez sans doute compris que dans ce jeu de chaises musicales pointait le bout de son nez une critique sociale qu'on avait déjà vu à l'oeuvre, au hasard, dans Mademoiselle Julie. Mais ici c'est traité de façon différente, d'une part à cause du style de la Sonate des spectres, d'autre part parce que, même s'il est fait quelques allusions, voire plus, à des mariages, des fiançailles et de relations amoureuses ratées, c'est peu de chose par rapport à la question des classes sociales. Ce n'est pas pour rien que La Cuisinière qu'on voit apparaître à la fin de l'acte II, alors que restent les deux derniers "maîtres de maison", leur dit : "Vous nous prenez tout notre suc et nous vous prenons le vôtre; nous suçons votre sang et vous recevez en échange de l'eau, avec du colorant."


Au milieu de cette corruption dont il est abondamment débattu et qui semble toucher tout le monde, restent deux personnages qui sont... comment les appeler... des âmes pures. L'Étudiant et La Jeune Fille trouvent l'amour et le réconfort l'un auprès de l'autre. Vous avouerez que ce n'est pas souvent chez Strindberg... Oui, mais La Jeune Fille a vécu trop longtemps dans cette maison corrompue, elle n'est pas de force à supporter tout ça. Elle est donc malade dès le début de la pièce et... elle meurt, allez hop ! Reste l'Étudiant, celui qui a le don de voir au-delà des apparences.


Pièce à la fois imprégnée de symbolisme et d'expressionnisme, on pourrait lui trouver une parenté avec certaines oeuvres de Munch et Ensor, notamment. Je pense par exemple à Soirée sur l'avenue Karl Johan de Munch, avec son défilé de passants qui ressemblent à des spectres, et vous n'aurez pas de mal à trouver un tableau d'Ensor qui convienne. Cela dit, La Sonate des spectres part un peu dans tous les sens, que ce soit complètement voulu ou pas (répétons-le, "c'est terriblement compliqué"), avec tous ses personnages grotesques - pourtant au sens noble du terme. Une seconde lecture permettrait peut-être de mieux cerner sa composition, pas évidente à déceler d'un seul coup d'oeil. Pour ma part, j'ai pas plus envie que ça de la relire...

Lien : https://musardises-en-depit-..
Commenter  J’apprécie          430



Ont apprécié cette critique (42)voir plus




{* *}