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Critique de Zebra


Zebra
17 septembre 2012
Les Voyages de Gulliver (en anglais Gulliver's Travels) est un roman satirique écrit par Jonathan Swift en 1721. Écrit à la première personne (Gulliver et Swift ne font qu'un), divisé en quatre parties (à savoir, autant de parties que de voyages entrepris par Gulliver) et constitué de récits détaillés, ce roman, écrit après le krach de 1720, pourrait avoir été l'occasion pour Swift de moquer les travers de la société anglaise à laquelle il appartenait. La bande dessinée illustrée par Giu-Pin et adaptée par Saulla Dello Strologo se veut être un résumé fidèle et court de ce roman. Transporté à Lilliput, le lecteur découvre une société bien plus avancée que l'Angleterre de l'époque, révélation atténuée par le fait que cette supériorité n'empêche pas les peuples de Lilliput de céder à leurs instincts primitifs et de passer leur temps à se faire la guerre. Ensuite, dans le voyage à Brobdingnag, ce sont les travers des institutions anglaises que découvre le lecteur. Puis, à l'occasion du voyage à Laputa, ce sont les abus de la philosophie ou de la science qui sont dénoncés, en ce sens qu'ils conduisent les hommes à perdre tout sens commun et à courir à leur ruine. Enfin, dans le voyage à Houyhnhnms, c'est la question de la différence entre l'être humain et l'animal (en l'occurrence, le cheval) qui est posée par Gulliver avec, en corollaire, l'éventualité de devoir ressentir de la honte d'être un être humain.

Au fil des quatre récits, le lecteur va de surprise en surprise : on lui suggère sur le ton de la plaisanterie que les problèmes irlandais de famine et de surpeuplement pourraient être facilement résolus en faisant en sorte que les bébés de sujets irlandais pauvres soient vendus comme des friandises à des citoyens plus fortunés, on l'assène de propos caustiques et d'attaques constantes à l'encontre des défauts des sociétés britannique et européenne, on le porte à la rêverie avec la description de pays imaginaires, on mêle l'acidité, l'absurdité et la folie (qui pourrait être la conséquence d'un incident ayant affecté les capacités mentales de Swift), on dénonce les travers de l'époque (par exemple, le colonialisme) dans un style vif et précis constellé de perceptions naïves et crédules.

Le lecteur pourra très vite être gêné par l'absence d'émotion, par l'avalanche de faits, mais aussi par le côté obsessionnel voire insupportable des différents faits de navigation de Gulliver. La richesse des récits pourra être interprétée comme du verbiage, sans intérêt manifeste. Les idéaux de Gulliver paraîtront bien tièdes : des gens bons et raisonnables, dotés d'une forte personnalité, cohabitant au sein d'une société non aliénante et respectueuse de leurs droits ! Ayant poursuivi votre lecture à son terme, vous en sortirez peut-être avec l'impression d'avoir lu les voyages d'un anti-héros, simplet, méconnaissant le sens même de sa mission, ouvert sur le monde mais dans l'incapacité d'en modifier le cours. Cette crédulité et cette « errance », alliées à une sur-activité et à un manque évident de bon sens et d'ingéniosité, amoindrissent la force que met Swift à dénoncer les abus de son époque ! Quant à l'excès de simplicité avec lequel Swift décrit les traits de ses principaux personnages, le lecteur indulgent pourra le pardonner. La société anglaise est le terrain de jeu de ce roman satirique. Pour autant, l'Angleterre ne paraît pas être la patrie de Gulliver : il n'en parle jamais, que ce soit avec tendresse, nostalgie ou patriotisme, et chaque fois qu'il rentre au pays c'est pour le quitter au plus vite pour aller naviguer sur les mers ! Ces voyages sont une fenêtre sur la nature humaine mais Gulliver est un être solitaire, un misanthrope aigri, un asocial (il ne parle jamais de sa famille ou de ses amis anglais), dénué d'émotions, de passions, de rêves ou d'aspirations, impuissant devant les travers de la société et de la nature humaine qu'il décrie : ce vide est consternant. Faut-il y voir le produit d'une volonté délibérée de l'auteur (nous signifiant ainsi son dégoût de la condition humaine, l'homme n'étant au final –malgré la diversité des langues et des cultures-, ni complètement spirituel, ni mentalement transcendant) ou la marque de la folie ordinaire de Swift ?
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