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Critique de Lutopie


La mort est abordée sans exagération. le chant de deuil, l'élégie, se fait ici tout naturellement. La poésie, moderne, dompte pour ainsi dire l'indomptable, le temps qui passe, comme dans JOIE D'ECRIRE, lorsque la poétesse suspend les balles et le vol du temps. Ô temps suspends ton vol - ici, la requête est la même que celle De Lamartine, sans l'emphase du romantisme, évidemment. Nul vocatif ici.

La modernité permet de se jouer de la mort et de faire revivre par exemple les parents décédés autour d'une table, comme DANS LA MEMOIRE ENFIN. En même temps, la mort est, et une certaine tritesse et tendresse transparaît comme dans le poème UN CHAT DANS UN APPARTEMENT VIDE qui est à la fois innocent, à la fois révélateur de l'expérience la plus amère qui soit :

« Mourir ! – ça ne se fait pas à un chat.
Car, enfin, que peut-il faire, le chat
dans un appartement vide ?
Grimper aux murs.
Se frotter aux meubles.
Rien n'a changé par ici,
et pourtant rien n'est pareil.
Rien n'a été déplacé,
mais rien n'est plus à sa place.
Et le soir, la lampe reste éteinte.
Des pas dans l'escalier,
mais ce ne sont pas les bons.
Et la main qui met du poisson dans l'assiette
pas non plus celle qui mettait.

Quelque chose ne commence plus
à l'heure où les choses commencent.
Quelque chose ne se passe plus
comme les choses devraient.
Quelqu'un était là, tout le temps,
puis, soudain, il a disparu
et s'obstine à ne plus être du tout.

On a fouillé les armoires.
Parcouru tous les rayons.
Rampé sous le tapis, au cas où.
Même violé l'interdit, et fichu
la pagaille dans les papiers.

Qu'y a-t-il à faire désormais.
Dormir on peut, et attendre.

Mais qu'il revienne seulement,
qu'il se montre tout à coup, celui-là.
On va lui apprendre, qu'avec
un chat ça ne passe pas.
On avancera vers lui
comme si on ne voulait pas,
très, très lentement,
sur des pattes fières et boudeuses.
Pas question de petits sauts, de miaous au début. »

Ce poème me brise le coeur ... (Il n'est pas très aimable de votre part, Madame, de me briser le coeur, alors je vous laisserai une étoile brisée, comme un symbole de mon coeur brisé.)

Ainsi, la vie de ceux qui survivent à la mort, même lorsqu'il s'agit de l'une des nombreuses vies du chat (ce qui n'empêche en rien à la vie d'être précieuse) se fait tour à tour joyeuse - comme sur une scène de théâtre, comme dans une farce - tour à tour pensive, comme si le souvenir de la mort advenue ou non encore advenue suspendait l'instant de bonheur (qu'il soit véritable ou factice le bonheur), comme dans IMPRESSIONS THEATRALES où les morts, au théâtre, ressuscitent, à la fin du jeu, pour se réconcilier avec les vivants, mais à la fin, une main prend à la gorge la poète-spectatrice, comme pour la tuer, ou pire, la faire pleurer, alors même qu'elle est, à ce moment-là, paradoxalement heureuse, comme si pleurer de bonheur devenait alors, intolérable justement parce que le bonheur survit aux morts et aux vivants.

Heureusement, les morts et les vivants communiquent, dès lors qu'ils restent à l'écoute les uns des autres, comme dans LETTRES DES MORTS. Mais ils communiquent encore par l'intermédiaire d'autres êtres vivants, être humains, animaux, plantes, astres, soleil, nature ... objets du quotidien.
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