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Critique de dedanso


Quel essai passionnant ! Il n'est pas seulement question de polar ici mais aussi de civilisation américaine. Car en étudiant l'histoire du polar américain de 1919 à nos jours, c'est bien l'histoire des États-Unis qui défile sous nos yeux.

Tout commence vraiment en 1922 dans le pulp Black Mask, lorsque quelques auteurs choisissent de se démarquer du roman à énigmes britannique en donnant à voir un détective luttant contre une ville pourrie, corrompue jusqu'à la moelle. Car la ville est alors un personnage à part entière (New-York et Chicago principalement).
Par la suite, le hard-boiled glisse lentement vers le roman de gangster et substitue (petite révolution) le criminel au détective comme personnage principal. Les gangs sont alors "le symptôme de la désorganisation générale liée au développement économique rapide et à l'ingestion de travailleurs étrangers".

Dans les années 30, le cinéma révolutionne la culture américaine. La littérature, et notamment le polar, est dépossédée de ses auteurs ; les oeuvres devenant adaptables, elles doivent donc se standardiser.
Puis le roman prolétarien fait son entrée et donne une vision de la violence criminelle liée au système capitaliste.

Avec la montée du racisme en Europe c'est le roman antifasciste qui avance sur la scène littéraire américaine, et notamment dans le polar, avant de laisser la parole aux traumatismes des soldats. Le peuple est encore en résistance face à la vision normalisée du vétéran imposée par l'État.

Je ne vais pas reprendre l'ensemble de ce qui figure dans cet essai car il y aurait encore beaucoup à dire sur le western noir, le polar métaphysique, ou encore le polar qui met en scène les minorités que représentent les Noirs et les homosexuels dans les années 70/80. On retrouve encore a cette époque ce qui fait l'essence du roman noir américain : une promesse démocratique aux prises avec la réalité sociale, les "ratés du melting-pot américain" qui tentent de donner du sens à un univers absurde.

Mais le renouveau culturel des années 60 marque une rupture dans cette longue histoire. Le lecteur se diversifie et se mondialise, les romans s'allongent, se standardisent et les séries deviennent la norme. L'utopie a mal tourné (le guerre du Vietnam est passée par là), l'Amérique est désabusée, la promesse démocratique est morte.

Cet essai, érudit mais accessible, montre comment l'évolution du polar américain est intimement lié à l'évolution de la société américaine. De nombreuses références et citations agrémentent les propos de l'auteur et les rendent très dynamiques et concrets.
Je regrette juste les (trop nombreuses) notes de bas de pages qui coupent régulièrement la lecture et le fait que seuls les titres originaux des oeuvres soient cités (on retrouve la traduction française en fin d'ouvrage tout de même). Deux tout petits points négatifs pour une oeuvre magistrale.
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