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Critique de colimasson


Le maître et Tsukiko ont été professeur et élève, il y a de cela quelques décennies. Lorsqu'ils se retrouvent à nouveau, dans le contexte informel d'un troquet où chacun vient régulièrement boire et manger en solitaire, Tsukiko a trente-sept ans et le maître a cessé d'enseigner depuis longtemps. Leur retrouvaille amorce la fin de deux solitudes séparées et annonce le début d'une relation singulière –ni amitié, ni amour, on parlerait plutôt d'une solitude partagée.


Lorsque le Maître et Tsukiko se retrouvent, ils le font sans concertation préalable. Ce sont leurs habitudes de solitaires qui les enjoignent à se trouver souvent au même endroit, au même moment. Ils partagent alors un repas, boivent ensemble quelques verres, échangent quelques mots en toute simplicité, puis rentrent chez eux chacun de leur côté, ravis de ce moment convivial partagé sans aucune contrainte.


Le livre est découpé en autant de chapitres que de rencontres entre le Maître et Tsukiko. Passé l'évènement de la rencontre fondatrice, un ou deux chapitres nous permettent de nous immiscer dans le déroulement habituel de leurs retrouvailles. On retrouve ici le goût de Taniguchi pour les plaisirs de la table. Les détails concernant la composition des mets et menus servis à table sont aussi nombreux et précis que ceux que l'on retrouvait, avec une abondance quand même plus certaine, dans les volumes du Gourmet solitaire. Les chapitres suivants prennent leur distance avec les rencontres habituelles dans les troquets. le Maître et Tsukiko décident un jour d'aller au marché ensemble, et c'est à nouveau l'occasion d'éveiller ses sens aux stimuli infimes qui, mis les uns à la suite des autres, créent l'animation confuse et agitée des rues marchandes. Plus tard, suite à une conversation passionnée du Maître concernant les différentes variétés de champignons, le patron d'un de leurs troquets habituels leur proposera une virée mycologique en montagne. Une dispute, une réconciliation, le verre du début de la nouvelle année, la fête des cerisiers… Les évènements de la vie quotidienne se retrouvent sans cesse autour des rencontres entre le Maître et son ancienne élève.


Taniguchi semble se concentrer davantage sur le personnage de Tsukiko. Bien que ses rencontres fréquentes avec le Maître ne changent rien à son caractère solitaire, aboutissement d'un mode de vie qui semble plus choisi que subi, on constate que son comportement se modifie peu à peu, subtilement, influencé par le regard imaginaire et omniprésent du Maître. Regard divin par définition, Tsukiko n'y échappe pas et analyse la plupart des instants de son existence à travers le prisme du jugement du Maître. Que dirait-il s'il m'entendait ? Que penserait-il s'il était à ma place ? Les anciens rapports de hiérarchie semblent se rétablir peu à peu, le Maître d'une part ne cessant de corriger et de moraliser son ancienne élève, Tsukiko d'autre part écoutant docilement ses conseils et l'érigeant comme modèle.


Taniguchi est un maître de la subtilité et de la simplicité. L'évolution des sentiments entre le professeur et Tsukiko s'imprègne de la même finesse. On retrouve l'atmosphère chère aux ouvrages de Taniguchi, celle d'une solitude mélancolique parsemée de joies en demi-teintes, et un sens du détail si acéré que les moindres évènements d'une existence prennent une ampleur inconsidérée. Alors que la relation qui lie le Maître à Tsukiko n'a rien d'exceptionnel, si ce ne sont les comportements humains qui y sont impliqués, dans toute leur inconstance et leur incohérence, on s'attache à cette aventure avec plus de passion qu'on n'aurait pu le soupçonner.


Alors que leur « amitié » semble à nouveau compromise, Tsukiko est confrontée, à la fin du premier volume, à un choix qui lui permettra ou non de s'extirper réellement de sa solitude, au détriment de son confort et de sa relation avec le Maître. Une fin de volume en suspens, qui donne envie de se précipiter aussitôt sur l'album suivant…




Lien : http://colimasson.over-blog...
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