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Critique de JIEMDE


Si le deuxième livre est souvent l'exercice de vérité d'un jeune auteur, alors Alex Taylor l'a réussi haut la main avec le sang ne suffit pas, traduit par Anatole Pons-Remaux. Quatre (trop) longues années après le verger de marbre, il revient avec un livre magistral et puissant, qui prend immédiatement place parmi mes lectures US de référence et confirme Taylor comme un très grand auteur de noir.

Un premier chapitre fulgurant, tendu et violent nous place immédiatement dans l'ambiance : 1748, les Cumberland Mountains dans l'ouest de la Virginie, « terre sinistre et ancestrale, sertie dans le bijou insensible de l'hiver », terre historique des cinq tribus de Shawnees qui tentent d'y rester chez eux tandis que les soldats français et anglais y guerroient et que les colons de tous horizons s'y fourvoient. La mort est partout, et pour ceux que le froid et le gel n'ont pas encore tués, les ours ou les loups s'en chargeront. Ou la faim. Ou l'autre. Celui qui vient, celui qui a intégré qu'entre tuer ou être tué, la frontière est toujours ténue.

Pour calmer les velléités guerrières du chef shawnee Black Tooth, l'enfant à naître de la métisse Della lui a été promis mais avant d'accoucher, la belle s'est enfuie. La chasse peut commencer. À ses trousses, les frères Elijah et Beltram, puis le français Simon Cheese. Et sur sa route, protecteur inattendu, Reathel et son molosse. Tout est réuni pour que « le sang coule en abondance, mais ce n'est pas encore assez. le sang ne suffit pas ! ». Fin du pitch.

Équilibriste du style, Taylor est à l'aise dans tous les domaines : le cynisme réaliste, froid et immoral, lorsqu'il décrit les travers causés par la faim, l'envie et la violence gratuite ; le descriptif cinématographique avec des scènes d'anthologie lors de la bataille du fortin, la caverne du français ou le camp indien ; le dark nature writing quand le territoire et son climat sont à la fois magnifiés et repoussants. Un style qui en deux livres seulement, semble déjà reconnaissable au premier chapitre…

Le sang ne suffit pas est le livre des contrastes dans lequel Taylor multiplie les oppositions. Au froid mortel omniprésent, il oppose la chaleur des entrailles fumantes d'un cheval, d'un pigeon ou d'une accouchée. À la mort qui n'épargnera pas grand monde, il oppose la vie du jeune bébé qui traverse le livre. Aux dieux des indiens ou à celui des colons qui planent au-dessus du carnage, il oppose la seule foi qui vaille là-bas, celle de la survie et du lendemain. Âmes sensibles, s'abstenir. Adeptes du noir le plus sombre, accourir !

Écrire une telle histoire en tout juste 300 pages est un tour de force, c'est dire si le style est grand, si le style est puissant, si chaque mot est à sa place. le sang ne suffit pas est un grand livre. C'est dit.
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