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Critique de Kirzy


Quel incipit ! Rarement lu un démarrage de roman aussi brutal et effarant.
1748 dans l'hiver glacial des Cumberland Mountains en Virginie, un homme et une femme sont retranchés dans une cabane branlante assaillie par une ourse que la faim a tiré de son hibernation. Lui est un errant accompagné d'un dogue prodigieux, il vient de tuer le propriétaire de la cabane qui lui refusait le refuge, il semble fuir ou chercher quelque chose. Elle est au bord de l'accouchement mais affiche une vitalité et un charisme surprenant.

Telle est l'Amérique des pionniers que nous raconte Alex Taylor dans ce western radical à l'humanisme désespéré. Tout pousse les hommes dans leurs retranchements les plus extrêmes, ravalés au rang d'animaux comme les autres. La volonté d'y survivre se transforme en rage pour ne pas mourir de faim ou de froid, pour ne pas être dévoré par une meute de loup ou un ours. Mais la folie des hommes est la plus dangereuse des épreuves, plus terrible que celles imposées par la nature, qu'elle vienne des Indiens Shawnees qui sentent que la colonisation européenne naissante précipitera leur chute, ou des colons eux-mêmes.

Cette épopée féroce est éprouvante, la violence crue est omniprésente, tenant aussi bien du drame shakespearien que de la tragédie biblique. Dans cette Amérique des origines, les bébés sont des offrandes aux Shawnees pour gagner quelques mois de survie ; des frères s'entretuent pour l'amour d'une femme qui pourrait apporter la rédemption ; on ose franchir des tabous comme celui du cannibalisme sans aucun remord ou barrière morale.

La noirceur est peut-être parfois un peu forcée mais il en reste des images et des scènes dingues, très cinématographiques comme la séquence époustouflante de l'attaque de la colonie par les Shawnees avec la statue féminine en bronze transformée en canon, arrivant comme un veau d'or apportant l'espoir, vain forcément.

Si ce roman est aussi puissant, c'est parce que les images qu'ils convoquent naissent d'une prose brillante et habitée qui dit tout de la solitude des hommes qui avancent aveugles vers un destin en forme d'impasse. Les personnages principaux pourraient tous être caricaturaux, mais avec cette écriture-là qui les présente, les décrit et les accompagne, ils sont juste formidables de complexité et surprenants par la révélation de leur moi profond.

Et pourtant, ce conte furieux se clôt avec, enfin, une lueur, un répit, une promesse d'un pays de Canaan pour ceux qui auront survécu à l'apocalypse. La fin est sublime.
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