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Critique de Wyoming


Très beau roman noir écrit avec un talent dont la puissance dévastatrice apparaît quasiment à chaque page, tant dans les dialogues, que dans les descriptions ou le travail d'élaboration des personnalités nombreuses dont les méandres de l'âme, les souffrances, les volontés de vivre ou de mourir sont approfondies par l'auteur avec une progression superbement dosée qui va rendre attachants au lecteur un, deux, trois personnages, ou plus, détestables quelques autres selon sa perception.

C'est d'abord un formidable roman nature sauvage, hivernale, terrible, magnifiquement et douloureusement mise en scène, avec la puissance sauvage des éléments, pluie, froid, neige, tempête et celle des animaux, dantesque avec l'ours dont le lecteur respirera l'haleine, terrifiante avec les loups dont les mâchoires ne claquent pas dans le vide, fidèle et à la fois dangereuse avec le chien, plus paisible avec les chevaux et les mulets.

Une action quasi western, située en 1748, dans l'ouest de la Virginie, à une période où les indiens Shawnees, pressentant leur destinée inéluctable, vont déclencher une attaque suicidaire et destructrice à la fois contre les blancs.

Dans ce roman, on saigne, on pleure, on a faim, peur, on tue, on découpe, on pourfend, on ampute, on dévore comme des bêtes ce qui peut tomber sous la dent, colombe crue avec un scène extraordinaire depuis la capture jusqu'à la mastication du coeur chaud dégoulinant de sang, et même la chair humaine que certains n'hésiteront pas à consommer pour survivre.

Car c'est essentiellement un roman de survie au coeur duquel l'auteur a eu la riche idée de placer un bébé, enjeu de tous les affrontements et d'ailleurs peut-il survivre dans cet univers si hostile, alors qu'un enfantement rude et presque bestial vient de le lancer dans le froid et l'adversité?

Alex Taylor a multiplié les personnages et leurs interactions qui ajoutent à l'intérêt de l'histoire. Emergent bien sûr la femme, Della et son bébé qu'elle n'a pas nommé, n'imaginant même pas une quelconque espérance de vie pour ce petit corps fragile qu'elle va s'obstiner à allaiter et tenter de protéger. D'autres héros majeurs, Reathel, qui porte au hasard sa souffrance passée, venu chercher la mort et protégeant la vie, durement, dans le sang qui coule à flots tout au long de ce texte, animal ou humain le plus souvent. Un autre héros, le docteur, personnage complexe, présenté par Alex Taylor sous des jours différents, lui aussi partagé entre la mort imminente et la survie à tout prix. Deux frères, les Autry, limités dans leurs cerveaux tendus vers un profit financier inutile dans cette nature où l'argent n'a plus de valeur, un pasteur indigne, un Français tout autant, que le cannibalisme satisfait tant bien que mal, avide lui aussi d'accumuler de pseudos richesses. Et un grand chef indien, Black Tooth, au nom évocateur de toute la noirceur portée par ce texte, apte, lui, à réfléchir, analyser, pris dans les rets de ses croyances, lucide néanmoins sur la chute de son peuple.

Et la nature que l'auteur rend présente, pesante, hostile à chaque page, avec des descriptions soignées, telle celle de la tempête de glace et ses conséquences sur les arbres les plus solides. Ils sont là les arbres, "vivants piliers" de ce roman, chênes, hêtres, pins, buissons et les hommes aussi bien que les animaux se faufilent tant bien que mal parmi ces géants qui les sécurisent un peu. le feu n'est pas en reste, toujours allumé par l'homme, indispensable à la survie, mais aussi au pouvoir de destruction sans limite lorsqu'il n'est plus maîtrisé.

Le sang ne suffit pas est un très beau roman, d'angoisse, de peur, de sauvagerie, de mort, de sentiments nobles ou abjects, un texte structuré, dont la densité se renouvelle à chaque page, porteur de désespoir avec une lueur d'espérance pour quelques-uns.
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