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Critique de Nastasia-B


Ah ! Revoilà du bon Tchékhov pur jus, première pression à froid !

Bien que cette pièce en quatre actes soit précoce dans la production de l'auteur, tous les ingrédients qu'il affectionne y sont déjà : la vie de campagne ennuyeuse à mourir, les amours non partagées, la mesquinerie, l'envie, la bêtise, l'avarice, la médisance, sans oublier quelques belles âmes qui se consument pour rien parmi cette moisissure, cette flétrissure et le tout couronné d'une extrême sensation de " voie sans issue ".

Cette pièce, Ivanov, est brève, peut-être un peu trop vite expédiée quant à la forme, mais elle est forte et profonde sur le fond. Anton Tchékhov nous sert un trentenaire, naguère riche, brillant et très en vue mais qui s'est laissé cuire dans le jus de ses désillusions. Ajoutons à cela le filtre de la vision des gens ordinaires, qui interprètent tous ses agissements à leur sauce, lui prêtant des visées ou des sentiments qu'il n'a pas.

Il est vrai qu'il peut paraître tentant de conjecturer car Ivanov s'est marié à une juive de famille riche. Sa charmante et follement amoureuse Sarah n'a pas hésité à tout abandonner pour lui : famille, religion, identité, richesse. Les parents juifs ayant très mal vécu la spoliation culturelle et identitaire de leur fille ont refusé de lui léguer leur magot.

Et la pauvre Sarah, devenue entre temps Anna Pétrovna, a été bien mal payée en retour de tant d'amour : Ivanov la laisse dépérir dans son coin. Il est toujours fourré chez les Lébédev où, comme un fait exprès, l'unique fille de la famille, Sacha, seule héritière de la fortune de sa mère, lui fait les yeux doux. Étrange coïncidence, n'est-il pas ? On comprend que les cancans aillent bon train et que le comportement d'Ivanov soit jugé trouble par ses plus proches voisins...

Tchékhov sait nous brosser un portrait subtil, ambigu, complexe et dense de son héros, en proie au doute et au nihilisme. le contraste entre ce que l'on sait d'Ivanov, ce qui se déroule sous nos yeux et ce que les autres en disent est, de mon point de vue, le grand point fort de la pièce.

Ce serait mentir, probablement, que de prétendre que cette pièce n'a pas de défauts ou qu'elle est la meilleure de son auteur, mais peut-être serait-ce mentir tout autant que d'arguer qu'elle ne vaille pas le coup d'être lue ou vue.

Personnellement, j'hésite dans mon évaluation entre 4 et 5 étoiles ; cinq parce que je l'ai trouvée particulièrement réussie quant à la densité et aux multiples facettes du personnage central, quatre parce que certaines ritournelles comiques ou supposées telles, comme les joueurs de cartes, m'ont un peu parues lourdes, inutiles et loin de la grande finesse de propos de l'ensemble. Mais vous l'aurez compris, sans doute, une fois encore, tout ceci ne représente que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de choses.
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