AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


« Le bon Lieutenant » de Withney Terrel, à l'instar de « Fin de Mission » de Phil Klay ou de la « Quête de Wynne » d'Aaron Gwyn, fait partie de ces livres qui nous en disent davantage sur les guerres en Irak et en Afghanistan que tous les films, reportages ou articles sur le sujet.

La structure narrative du roman surprend car tout en restant strictement linéaire, l'histoire se déroule à rebours : elle débute par le dénouement puis raconte, telle une tragédie grecque, la succession des évènements qui y conduisent inéluctablement. Malgré cette chronologie inversée le roman se lit vite, et donne constamment envie de connaître la suite, enfin ce qui précède...

Le personnage principal, le lieutenant Fowler fait partie du Génie et est chargée d'assister l'Infanterie sur le front Irakien en lui fournissant le support logistique approprié. Fowler souffre encore sans le dire de l'abandon précoce d'une mère qui lui a confié trop jeune la charge de son jeune frère Harris, vite égaré sur les voies de la délinquance juvénile, et de son incapacité d'alors à gérer la situation. Elle se pose sans cesse la question de sa légitimité à commander sa section, à prendre les bonnes décisions, à protéger ses hommes, tout en suivant les règles militaires et l'idée qu'elle se fait d'une certaine intégrité. Sa relation suivie avec un lieutenant des transmissions, lui permet d'exprimer ses doutes et d'éviter de se noyer dans ses inquiétudes. Ce dernier, le dénommé Pulowski ne partage pas le goût pour l'univers militaire de Fowler et tente de prendre le maximum de recul avec une réalité qu'il juge aussi absurde qu'effrayante. Son sens de l'humour, la vivacité de ses réparties et le caractère très technique de son engagement militaire lui permettent de prendre une certaine distance avec un conflit à la fois complexe, irrationnel et terrifiant.

Le roman repose en grande partie sur la psyché tourmentée du « bon lieutenant », Fowler, qui ne se dérobe jamais, qui culpabilise, qui croit en l'armée, en ses valeurs d'ordre, d'exemplarité, et se fait une haute idée de sa fonction et des devoirs qu'elle lui confère envers les hommes de sa section. La désinvolture apparente, l'ironie mordante et le sens aigu de l'absurdité d'une guerre où les Américains ne sont pas forcément les bienvenus auprès de la population qu'ils sont censée libérer, dont fait preuve le lieutenant Pulowski font contrepoint avec l'engagement sans failles de Fowler et participent du pouvoir d'attraction du roman.

« Le bon Lieutenant », au delà du parti pris formel d'une chronologie inversée, est un livre aussi touchant qu'original, il déroule un monde qu'on connaît mal, une guerre complexe fondée sur un mensonge d'Etat (les fameuses armes de destruction massive) que l'on considère avec un mélange d'incompréhension et de gêne. Il nous permet de saisir et de partager les motivations, les erreurs, les peurs et le courage des soldats engagés sur un front lointain aux ramifications politiques, économiques, et religieuses infinies. Il changera notre regard sur ces soldats emportés dans le tourbillon d'un conflit asymétrique qui oppose une armée à des terroristes sous les yeux de civils pris au piège. En abordant une guerre qui n'en est pas une, « Le bon Lieutenant » hantera pour longtemps notre imaginaire...
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}