Je ne vous aime pas à en mourir - je vous aime à en vivre - à vivre de votre existence dont je me prive de jouir.
Car vous n'êtes pas mort mais vivant - parce que je viens de comprendre comment l'amour l'a emporté sur la mort - comment l'homme l'emporte sur Dieu - comment l'homme existe tandis que Dieu n'existe pas.
Tel est le sens de la rencontre sur Terre.
Il est grave et difficile d'accomplir un seul geste une fois pour toutes : soi-même.
Un soir elle entra dans un cercueil et le sourire ne la quitta pas un seul instant - de sa main elle palpait les planches de sa boîte. Elle ne s'étonna pas lorsqu'elle sentit les planches coller plus étroitement à ses jambes, la sève de l'arbre couler dans le bois - l'écorce se craqueler, la mousse apparaître. Cette femme-là porte sur elle l'odeur de la nature.
La tragédie est le seul exemple de parfaite
dissimulation et de parfaite droiture - c'est-à-dire
de Vérité.
Quand une femme est parvenue à ne tirer parti
d'aucune création du corps elle peut envisager
de créer enfin. C'est cela qu'on appelle vertu.
Et c'est la vertu qui est vierge, non pas la femme.
Colette Thomas faisait partie du cercle proche d'Antonin Artaud, qu'elle a lu, admiré et beaucoup aidé, et l'on pourrait aller jusqu'à affirmer qu'elle était possédée par l'œuvre d'Artaud, qui lui aurait écrit : « Vous feriez mieux si vous m’aimez de faire l’impossible pour que la tonne d’héroïne que j’attends me parvienne ». Passionnée de théâtre, elle est victime d'un viol et sombre, ne se lave plus, mange peu et tente de se suicider. Elle subit des séances d'électrochocs et lorsque qu'Artaud meurt, elle est encore internée. En 1954, après de nombreux rebondissements, Colette Thomas publie à la NRF, sous le pseudonyme de René (le prénom de son père), le livre Le Testament de la fille morte, où l’auteure se dévoile dès les premières lignes : « Moi, Colette, la réelle Colette, la vraie, la joyeuse, me voici donc détruite, me voici morte et voici que va, que va le squelette apparent et que l’on frappe une âme inerte et sans compréhension, un cœur mort. » André Breton remarque le livre, en parle autour de lui, puis c'est la nuit, l'oubli. Œuvre magistrale qui m'a fait l'effet de ma lecture à dix-huit ans de Lautréamont, Le Testament de la Fille Morte, après soixante ans, est enfin réédité. C'est un texte fort, intelligent, à tomber à la renverse, qui parle de théâtre, de poésie, de vie et de mort, des femmes aussi : « Le tour de la femme est venu d’aller chercher au fond de la terre la force régénérée. – C’est à la femme maintenant parce que le monde est seul, incommunicable, et malade. » Merci aux éditions Prairial et ruez vous chez votre libraire car il semblerait que l'ouvrage soit déjà épuisé. Il faut croire que le mot est passé, comme on dit.
Il n'y a pas d'homme ni de femme - ni créateur ni créature - seulement des êtres assez puissants pour se refuser à l'existence et connaître la possibilité.
"Tout a failli - c'est bien - et moi même
je n'existe pas. Mais ce coup, ce coup que tu donnes,
est ce toi ou moi?
Car il ne se défend pas et il ne défend rien. Mais il se
montre - et il se montre tel qu'il est.
Il se montre tel qu'il est entièrement et absolument
- sans condition.
Cet homme n'existe pas, direz-vous ?
Qui peut prétendre...
NE LE SAIS PAS NON PLUS."