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Critique de le_Bison


C'est au printemps de l'an de grâce 1845 que je me retrouve, ici, seul dans les bois, à Concord, Massachussetts. Un lieu parlant pour tout amateur de littérature américaine. Une cabane en bois, construite de ses propres mains, au bord de l'étang de Walden. D'abord, la hache, je la pose à mes pieds. Il me faut en premier lieu comprendre le lieu. Regarder le soleil, regarder la lune bleue, sentir le vent et ses fragrances cheminées afin de définir les délimitations de son petit lopin sur lequel terrasser sa nouvelle vie. Maintenant, je prends ma hache, relève les manches de ma chemise à carreaux, en mode bucheron même en c'temps-là, et commence à couper quelques arbres. Mais avant, je sens son écorce, je caresse sa mousse, je parle à sa sève, pour demander poliment si je peux l'abattre, son cycle est ainsi fait, dans le respect des bonnes manières, vous avez-dit une bière ? Au bout d'une heure, et d'un soleil brillant, le corps en sueur, j'enlève ma chemise, attention les filles, ne vous évanouissez pas tout de suite vous n'avez pas fini de me lire, afin de continuer mon dur labeur. Car de tout temps, tout labeur se fait dans la difficulté et la sueur.

Maintenant que j'ai assemblé ensemble mes rondins, mis un toit et fini ma pièce qui servira, de chambre, de cuisine, de bar et de bibliothèque, je me rends compte que j'ai oublié les chiottes. Tant pis, j'irai pisser contre un arbre, la nature, et me laverai directement dans l'étang au milieu des poissons qui fourniront également un peu de mon diner, de temps en temps. Pécher, cueillir, chasser et semer. Je prépare, la saison s'y prêtant, à faire pousser quelques haricots et plans de maïs. C'est aussi ça la nature, apprendre à recevoir ce qu'elle veut vous donner, en échange d'un soin particulier à travailler la terre, à y mélanger son compost naturel et sa sueur. Et ainsi, je pourrais aller en ville, échanger quelques barquettes de mûres cueillies de ci de là, contre un bon vieux whisky, le temps de distiller le mien. C'est l'économie de marché. J'installerais même trois chaises et peut-être voudras-tu être mon invité(e).

En attendant, je me pose sur ma terrasse, un vieux rocking-chair, avec un bouquin et un verre, et je lis, je bois, je regarde les étoiles, complètement à poil, comme un retour à la nature, sans chaussettes dans le Massachussetts.

Et maintenant que je suis presque installé, il ne me reste plus qu'à balayer toute la poussière autour de moi. Une poussière qui va pis s'en va, pis revient, Alors je continue de balayer, une vie sans fin. Entre temps, je regarde le soleil se coucher, je bois une bière en compagnie des étoiles, ces âmes endormies au-dessus de ma tête. J'observe le silence de ma vie. Je balaye la poussière, je rebois une bière. Je sors un livre de ma bibliothèque, prend une nouvelle bière, Henry David Thoreau, un roman d'un autre temps qui n'a pas pris une ride, Walden ou la vie dans les bois, une oeuvre bien plus poétique que la poussière de ma vie, tout aussi enivrant que les bibines que je m'enfile en regardant, les yeux baissés, la lune bleue qui illumine toujours mes nuits. Et ainsi sous son regard absent, je m'étends nu dans l'étang de Walden.
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