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Critique de Ys


En 1831, Alexis de Tocqueville, alors jeune magistrat au tribunal de Versailles, est envoyé aux Etats-Unis avec son collègue et ami Gustave de Beaumont pour étudier le système pénitentiaire américain. Il en reviendra avec la matière de ses célèbres écrits politiques, mais aussi avec ce petit texte rédigé entre deux escales, au retour d'une escapade sauvage dans la région des Grands Lacs, qui ne sera publié qu'après sa mort.
En quête de désert, de nature encore inviolée, les deux hommes quittent New York pour Buffalo, d'où un vapeur les conduit jusqu'à Detroit - une petite ville de deux à trois mille âmes que les jésuites ont fondée au milieu des bois en 1710 et qui contient encore un très grand nombre de familles françaises. Et là, les choses se compliquent, car l'esprit pionnier est assez radicalement étranger à l'esprit voyageur : affronter la nature sauvage pour la conquérir, s'y enrichir, tant qu'on voudra, mais l'explorer pour elle-même, par pure curiosité, voilà qui défie l'entendement ! Tocqueville et Beaumont vont devoir s'inventer des prétextes pour qu'on leur indique enfin où aller. La suite du périple se fait à cheval, à travers bois, de plus en plus loin de la civilisation, jusqu'à Saginaw Bay qui, quelques 150 km au nord de Detroit, représente alors l'extrême limite du peuplement européen.

Le voyageur ici est aussi sociologue, philosophe. La description fascinée des grands espaces encore vierges se double d'une réflexion sur l'ambiguïté de la civilisation en marche, se complète d'une étude rapide mais précise des peuples rencontrés, de leur habitat, de leur mode de vie, de leur caractère. On entre ici dans les typologies chères à l'époque, qui peuvent sembler un brin réductrices au lecteur moderne, mais cela reste très intéressant de voir comment ces hommes isolés de tout, voués à se partager une même terre, restent étroitement contraints par leurs origines. le colon français n'est pas le même que le colon américain, les préjugés d'éducation et de naîssance ont la même puissance ici que dans le reste du monde et six religions déjà divisent cette société naissante... sous le regard silencieux des Indiens, grands perdants de l'affaire, admirables encore au fin fond des forêts mais déjà gangrenés par la civilisation et l'alcool, dont Tocqueville ne peut que déplorer la lente disparition.

Une lecture courte mais riche, et de lecture très agréable. Un bon moyen, qui plus est, de découvrir Tocqueville par la petite porte, à défaut de s'attaquer à ses écrits politiques.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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