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Critique de HundredDreams


Ca y est ! Je viens de finir le roman d'Anna Karenine. Depuis le temps que je voulais le lire, c'est pour moi une belle victoire.
Le nombre de pages, la peur de ne pas aimer à sa juste valeur ce grand roman, la pensée que l'écriture de Léon Tolstoï serait trop classique et vieillotte, trop lourde et ennuyeuse, toutes ces raisons m'ont incitée à repousser sans cesse cette lecture qui me faisait envie mais que j'appréhendais également.

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Léon Tolstoï a un talent incroyable pour dessiner de sa jolie plume des personnages qui ont de la consistance.

Anna est une belle jeune femme raffinée qui abandonne son existence confortable d'épouse et de mère pour suivre le comte Vronsky, un officier de cavalerie.
Anna m'a plu par son caractère entier et honnête, son esprit combatif et provoquant, sa nature passionnée qui ne peut se satisfaire d'une vie rangée, ennuyeuse et vide de sens auprès d'un mari qu'elle n'aime pas.
Anna m'a touchée par ses douleurs intérieures, ses sombres pensées, ses incertitudes, sa jalousie maladive, son besoin viscéral d'être aimée, sa solitude et sa souffrance face au mépris affiché par ses amis ou connaissances.

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Dans cette seconde partie, nous la découvrons exubérante dans ses émotions, ses sentiments et ses envies. Elle peut être d'humeur joyeuse et avenante, gaie comme un pinson, charmeuse, et puis, l'instant d'après, son regard se ferme, des idées obsédantes prennent le pas sur son esprit, tournant en boucle. Elle se montre alors inquiète, tourmentée, incertaine, jalouse, impulsive, irascible, froide, haineuse.
Léon Tolstoï saisit avec justesse ses états mentaux, ses émotions, ses sentiments tels que le désir, le bonheur, la jalousie, la haine, la honte, la peur d'être rejetée ou trahie, le besoin de vengeance ou de pardon. Ses colères irraisonnées l'emprisonnent, l'empêchent de communiquer jusqu'à la détruire.
C'est le récit d'une passion qui s'éteint, d'un désamour, d'une chute prévisible. Certains passages sont particulièrement poignants, douloureux, le désespoir d'Anna laissant une impression durable de profonde tristesse.

Le conte Vronsky quant à lui, n'est pas totalement satisfait et heureux de sa nouvelle vie. Vivre passionnément avec Anna n'est pas facile. Incapable de la rassurer, il aspire à retrouver sa liberté, la délaisse.

« Il avait beau depuis lors évoquer leur première rencontre, à la gare aussi ; chercher à la revoir dans sa beauté poétique et charmante, alors que, débordant de vie et de gaieté, elle allait au-devant du bonheur et savait le donner : c'était son image irritée et animée d'un implacable besoin de vengeance, qu'il revoyait toujours, et les joies du passé en restaient empoisonnées à jamais. »

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D'autres personnages gravitent autour de la belle Anna et apportent leur part de bonheur et de malheur.
Le lecteur les accompagne dans les différentes étapes qui ponctuent le cours de leur vie, de la naissance à la mort pour certains. On les voit évoluer dans leur couple, débattre de politique, travailler, élever leurs enfants, aller dans la bonne société et converser. Il est question d'amour, de séduction, d'amitié, de dignité, d'honneur, de colère, de douleur.
L'auteur a une écriture qui sonde, avec beauté et perspicacité, l'âme humaine, faisant ressortir la noirceur comme la fragilité, la bonté, l'humanité ou les tourments de ses personnages.

« Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse, au contraire, l'est à sa façon. »

J'ai aimé retrouver le joli couple formé par Levine et Kitty. Leur bonheur simple est touchant et attendrissant.
Tolstoï exprime ses propres opinions à travers le personnage particulièrement attachant de Levine. Il tente de se comprendre, de comprendre les hommes et le monde qui l'entoure en exprimant son attachement pour la terre, en analysant et réfléchissant sur l'inaction des hommes politiques, la disparité entre la vie à la ville et à la campagne, les conditions de travail difficiles des paysans dans la Russie du XIXème siècle ou les questions relatives aux croyances et à la religion.
J'ai trouvé très intéressant les passages qui décrivent la vie quotidienne des Russes, mais d'autres m'ont un peu moins intéressée, en particulier les questions de politique ou d'agriculture que j'ai trouvées parfois trop développées.

Léon Tolstoï évoque également le statut des femmes à travers de très beaux personnages féminins, le sort le moins enviable étant sans contexte celui d'Anna dont l'attitude scandalise les cercles sociaux de Saint-Pétersbourg. La société impériale russe, patriarcale, hypocrite, intolérante, prompte à oublier les défaillances des hommes, n'admet pas l'émancipation des femmes.

Mais il est remarquable de voir que même si Anna n'est pas présente sur le devant de la scène, elle reste malgré tout, toujours dans nos pensées et dans celles des autres personnages du roman. C'est réellement un personnage fascinant que j'aurais tout de même aimé plus présente dans le roman.

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Pour conclure, on présente souvent ce roman comme une histoire d'adultère, mais je trouve cette idée très restrictive.
C'est une superbe fresque, à la fois belle et tragique, que nous dépeint Léon Tolstoï. Il est un merveilleux observateur de la nature humaine. Attentif à mettre en avant les passions et les émotions humaines, il a su insuffler de la vie à ses personnages et nous emporter dans les méandres de leurs pensées, nous faisant partager leurs réflexions intimes, dévoilant leurs motivations et apportant en définitive, avec beaucoup de subtilité, une certaine tension et du mystère autour d'Anna Karenine.

Pour ma part, je suis heureuse de l'avoir rencontrée. Je la quitte après plusieurs mois de lecture audio, avec un sentiment de vide et de tristesse. J'aurais tant aimé que son choix de vie lui apporte le bonheur.
Le personnage d'Anna restera toujours présent dans ma tête, sa vie, sa mort tragique, m'ont énormément touchée. Il existe des romans que l'on garde en mémoire et Anna Karenine fera partie de ces héroïnes tragiques qui ne peuvent être oubliées.

« Je t'aime et t'ai toujours aimée ; lorsqu'on aime ainsi une personne, on l'aime telle qu'elle est, non telle qu'on la voudrait. »
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