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Critique de PatriceG


Dernières paroles
Léon Tolstoï, publication post-mortem.

Ce livre traduit en français par Bienstock rassemble les dernières volontés littéraires de Tolstoï portant sur les trois dernières années de sa vie. Elles ont été rassemblées par les tolstoïens Tchertkov et Birukov alors en exil en Angleterre. Je ne vais pas chipoter sur un texte sur la guerre avec le Japon qui est antérieur, qui interroge sur l'intention réelle des auteurs ?

Certains lecteurs intéressés par la vie et l'oeuvre de Léon Tolstoï pourraient y voir à première vue du pain béni, une rareté qui éclaire sur les dispositions d'esprit précédant sa mort qui a fait couler tellement d'encre..

Disons-le d'emblée sans ambages, cette moisson, ce butin fait partie des derniers exploits, "une prise de guerre" du troublant et nuisible Tchertkov qui a fait irruption dans la vie de Tolstoï comme une teigne jusqu'à indisposer la famille. Ce qui me gêne singulièrement dans cet ouvrage, c'est que les publications autorisées, favorisées par l'Angleterre reprenant des chroniques, des articles, des essais, des contes ayant trait le plus souvent aux professions de foi de Léon Tolstoï dont les thèmes sont Nicolas II, la censure, les Doukhobors, l'Eglise orthodoxe, la guerre avec le Japon, bénéficiant en large part du concours de l'écrivain, sont quelque peu suspectes dans le sens où l'on exploite la vieillesse et la vulnérabilité d'un homme qui est lui-même tiraillé entre deux feux : les tolstoïens et la famille Tolstoï. Celui-ci a beau écrire à Sonia pour s'excuser, lui renouveler tout son amour de toujours tout en prenant ses distances qu'on peut se demander s'il n'est pas téléguidé désormais par des forces invisibles qui auraient pour nom quelques tolstoïens du pire acabit

La famille Tolstoï voulant protéger à bon droit les intérêts de celle-ci, plus les droits d'auteur et le repos du vieil homme, s'oppose à Tchertkov et Birukov qui utilisent à des fins de propagande contre le régime tsariste la pensée de Léon Tolstoï. On estime chez les Tolstoïens qu'il y a une légitimité à agir conformément aux écrits de l'auteur russe de plus en plus radical et intraitable. Son instrumentalisation est indéniable même si elle va dans le sens de l'air du temps. Des foyers tolstoïens se dessinent à travers le monde entier, des aides financières venant de Russie et d'ailleurs sont récoltées par la famille Tchertkov et Birukov afin d'assurer les publications tolstoïennes et l'émigration de milliers de Doukhobors pourchassés par l'administration tsarite, sur le Canada.

Certes on ne peut pas dire que les tolstoïens détournent frauduleusement les écrits de Tolstoï à des fins financières, puisque les publications n'ont pas de but mercantile, elles sont vendues à des prix modiques, selon le voeu du maître, elles servent uniquement à vulgariser la bonne parole du vieillard. Il est même annoncé qu'on entend protéger les oeuvres de la censure tsariste, mais il est clair que Tchertkov commande des écrits à son maître désormais fragile de santé, qu'une seule cible politique n'est de mise .. Tous les derniers écrits de Tolstoï heureusement ne passeront pas aux mains des tolstoîens exilés.

Dans la préface du livre qui est signée de Bienstock, pas un mot de la famille Tolstoï n'est mentionné. On dirait complot que ce ne serait pas usurpé. Bien sûr Tolstoï est encore lucide, mais il est si bienveillant à l'égard de ses amis qu'on peut douter de la sincérité du dessein. Je pense qu'une tutelle familiale exclusive fût nécessaire.

Cela dit, dans ce contexte presque déplorable, les textes qui sont mis en lumière dans le présent ouvrage qui n'offrent pas toutes les garanties absolues de loyauté envers leur auteur - on peut s'étonner en effet de l'influence de Tchertkov - restent malgré tout des textes remarquables et dignes d'intérêt, Birukov qui fut le secrétaire particulier du patriarche de Iasnaïa Poliana ayant été là aussi pour veiller à l'esprit purement tolstoïen de la vulgarisation de l'oeuvre..

Un dernier point sur lequel je voudrais insister ici est qu'on voit bien sous le prisme singulier de Tolstoï une forme de complot à l'international pour en finir avec le régime tsariste dès le tournant du siècle ; les ponts sont maintenant ouverts pour fomenter des troubles de l'extérieur, de l'occident dans le but d'en finir avec le régime russe avec bien entendu en large part des complicités intérieures russes. Les appuis sont manifestes. Il est tout aussi clair que la volonté de Tolstoï n'aura été qu'objective pour favoriser ce processus, lui qui a toujours voulu que le régime se réforme de l'intérieur dans l'esprit d'un christianisme originel
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