De l'écrivain ou du philosophe chez
Michel Tournier, je ne sais pas lequel des deux me fait le plus peur, mais le fait est que j'aime masochistement le léger malaise que me procure son travail, éperdument la finesse et la profondeur de son écriture, intellectuellement l'originalité et la puissance lyrique d'analyse des thèmes qu'il aborde.
Ici, la gémellité, abordée sous ses aspects mythique, cellulaire, ontologique, affectif, à travers le destin de deux frères jumeaux, Jean et Paul, si semblables qu'on les appelle
Jean-Paul, si intimes qu'ils communiquent entre eux par une langue de vent, si mêles qu'eux s'appellent Bep. Trop mêlés pour Jean, qui s'enfuira de par le monde à la recherche de son identité, poursuivi par Paul incapable de vivre sans son frère la condition de "sans pareil".
Tournier nous emmène aux quatre coins du monde et fouille très loin dans la singularité de la condition gémellaire, si unique et si autre que pour nous la faire toucher du doigt, nous autres sans pareils, il introduit entre
Jean-Paul et le reste du monde bourgeois un personnage extraordinaire que j'ai adoré, l'oncle Alexandre, homosexuel raffiné, seigneur des gadoues, qui introduit le roman comme un sas d'entrée dans l'univers hermétique aux profanes des jumeaux.
Je n'ai évidemment pas tout compris, tout perçu, mais j'ai en revanche tout lu et ressenti avec un immense plaisir.