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Critique de Afleurdelivres


Splendide ! Immense coup de coeur et en même temps coup d'cafard. J'ai rarement lu un premier roman aussi beau. Il me hante encore autant que cette Maison d'enfance, personnage central du roman, hante la narratrice. « il est des lieux qui vous harponnent. Qui enroulent leurs mailles autour de vos songes, qui ajustent leurs griffes, juste assez pour vous laisser grandir, mais avec dans votre chair la meurtrissure de leur emprise. Il est des portes dont le bruit quand on les pousse est comme un cri du temps qui brise encore l'oubli. Il est des escaliers dont on aimerait tant gravir à nouveau les marches, juste une fois, en laissant couler dans sa paume le poli froid de la rampe». Ce récit poétique et mélancolique m'a bouleversée. Des passages vous nouent la gorge et en même temps une féérie se dégage de ce récit difficile à expliquer tant il touche à l'intime, à l'originel. La Maison si familière était une matrice protectrice où Isadora la narratrice coulait en famille des jours heureux et insouciants. Aujourd'hui vieille et désillusionnée elle se souvient. Contraindre par l'âge d'abandonner la Maison à laquelle elle est viscéralement attachée et a tout sacrifié. Navigant entre désillusion et amertume, de sa mémoire tristement imparfaite rejaillissent comme par fondus enchaînés les images de la Maison délabrée, vidée, superposées à celles flamboyantes, grouillantes de vie du passé, clichés couleur sépia d'un monde qui n'est plus et que seule la mémoire et quelques photos ressuscitent. Entre nostalgie de sa jeunesse et détestation de sa vieillesse elle empreinte le flot du temps à contre-courant pour déjouer l'oubli convoquant ses souvenirs de façon forcenée avec le désir brûlant de tout revivre, livrant ce qu'elle y a vécu, ce qu'elle y a laissé. Marquée par un deuil impossible, « s'accrochant à ses ombres » elle invoque la présence des morts avec grâce et émotion.
Perrine Tripier prend par la main notre enfant intérieur et l'emporte avec elle vers un passé tourbillonnant de rires, d'odeurs, de cavalcades en pleine nature, de cabanes et malle à jouets au milieu de sa fratrie, des cousins, des parents, dans la Maisonnée d'enfance Sur la fin seule gardienne du temple familial, éloignée des siens, elle erre dans les couloirs froids telle peau d'âne recluse dans sa masure « Je marchais à pas lents de bout en bout dans la Maison, et la traîne de fourrure me suivait comme un lourd serpent louvoyant. Bêtes fauves, bois de camphre, pin qui brûle et pain qui fume, j'emplissais la Maison de chaleur et de lumières. J'en étais la force vitale, l'organe palpitant dans un thorax de charpentes et de pignons. » le récit descriptif mais aussi métaphorique des étés animés puis des hivers solitaires dans son « palais de glace » est d'une beauté inouïe.
Merci à Perrine Tripier avec ses mots enchanteurs de m'avoir fait du mal, de m'avoir du bien. Splendide je vous dis.
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