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Critique de hcdahlem


Ma vie dans la grande Maison

Pour son premier roman, Perrine Tripier se glisse dans la peau d'une vieille dame contrainte de quitter la grande Maison où elle aura passé quasiment toute sa vie. Son regard sur sa vie en famille, puis en solitaire, est mélancolique et poétique.

La littérature a ce côté magique qui permet à une jeune femme de 24 ans de se glisser dans la peau d'une vieille dame. Perrine Tripier est donc Isadora Aberfletch. Au soir de sa vie, elle se souvient des années passées dans la Maison avec un grand "M". Il faut dire que la grande bâtisse blanche au milieu d'un grand parc, blottie entre les grands sapins bleus et les érables, est plus que centenaire. Elle aura accueilli plusieurs générations et conserve la trace de leur passage. Aussi peut-on la considérer comme un personnage qui "enroule ses mailles autour des songes", «juste assez pour vous laisser grandir, mais avec dans votre chair la meurtrissure de leur emprise.»
C'est dès sa jeunesse qu'Isadora comprend que sa vie se fera entre ses murs et qu'elle sera dictée par ce choix. Pour continuer à pouvoir vivre là, elle ira jusqu'à dire non à Oktav, quand il la demande en mariage, «car il n'aurait jamais voulu qu'on vive dans la Maison». Mais n'allons pas trop vite en besogne et commençons par les jeunes années, quand près d'une quinzaine de personnes vivaient là. Outre les parents et la fratrie, les oncles, tantes et neveux en faisaient une époque joyeuse.
«Je veux me rappeler les voix d'enfants glorieux s'enchevêtrant, la tendresse froide et pudique de Petit Père, les jaillissements d'inspiration de Petite Mère quand elle se levait subitement de table, saisissait les pinceaux dans le pot sur le buffet et se ruait vers son atelier, dans un coin de la véranda. Je veux me rappeler quand Klaus, Louisa et Harriett étaient encore à la Maison, Klaus déjà à l'orée de l'adolescence. Il était beau, le grand frère prodige, brillant, drôle, insolent de talent.»
Perrine Tripier choisit alors d'oublier la chronologie pour nous raconter la Maison au fil des saisons. L'été, quand «tout le monde revenait de la Ville, refluait vers la campagne familière et les forêts nimbées d'ombre lustrale», promesse de joyeuses escapades, de nouvelles découvertes, de construction de cabanes en baignades dans le lac et d'explorations nocturnes nimbées de mystère. C'est aussi en été que s'échangent les premiers baisers.
L'automne symbolise quant à lui, la saison où la maison s'est vidée, où les jours raccourcissent, où le froid s'installe. L'hiver, en revanche, est plus gai. Autour des préparatifs de Noël, de la neige et des parties de luge, cette saison aura été sans doute la plus initiatique.
Reste le printemps et ses promesses de renouveau. Il fallait conclure cette éphéméride avec cette saison. Pour ne pas laisser la mélancolie tout emporter. Pour que les souvenirs heureux, «comme un cri du temps qui brise encore l'oubli», l'emportent sur l'inéluctable solitude, sur la mort qui vient après avoir déjà emporté les parents et la soeur Harriet.
C'est dans un style admirablement maîtrisé, avec quelque chose de proustien, que ce roman va toucher les lecteurs. Un roman qui fleure bon la nostalgie de cette maison et de cette jeunesse perdues. Un roman qui est aussi riche d'une belle promesse, celle du second roman – déjà attendu – de Perrine Tripier.



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