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Critique de Fleitour


Quelle furieuse idée peut pousser des hommes à habiter le Très Grand Nord. Des jours sans fins, ou un dépaysement lumineux, le goût du blanc ou le plaisir de vivre au contact des rennes capables de supporter des froids intenses et de traverser des détroits aux eaux tumultueuses pour aller chercher de nouveaux pâturages avant le prochain hiver ?
Ces hommes on les appelle les samis, plus connus dans le langage courant comme lapons, terme toutefois péjoratif.

Le récit d'Olivier Truc, est intéressant à plus d'un titre, car le Pôle Nord, en Norvège notamment, a connu ces dernières années des bouleversements considérables. Ça s'appelle le pétrole en mer de Barents. Ce pétrole il faut aller le chercher, profond. très profond.

A ces profondeurs on sait pas comment y aller !

Alors des kamikazes, des fous, pour des salaires de la peur vont y aller, au fond, par défi, par orgueil, ou par ce qu'ils sont Samis. Ils ont été, oh, juste un peu trompé sur les normes, car il n'y avait pas encore de normes à ces profondeurs ( durée de la plongée, paliers, dangers, décompression... )


Voilà une minorité, avec des traditions bien ancrées dans la toundra gelée et dans la glace vive, qui a pu se maintenir grâce à l'élevage des rennes depuis des siècles.
"Les tambours ont été brûlés mais tu ne brûles pas un rocher sacré".
Cette minorité, les samis connaît un drame identique dans les différents pays qui se partagent le pôle Nord, norvégiens, suédois, russes ou finlandais.


À cause de leurs traditions, de leur langue et de leur culture, ils sont devenus les empêcheurs de tourner en rond et les principaux opposants à l'exploitation des ressources gazières et pétrolières. En quelques mots on peut affirmer que les samis sont aujourd'hui utilisés ou persécutés par les populations du Grand Nord, comme bien des minorités.

C'est le contexte passionnant de ce thriller, où vont se mélanger coutumes, pouvoirs des sociétés pétrolières, guerre entre les promoteurs immobiliers et les éleveurs de rennes qui eux devraient conserver un droit d'usage sur les terres consacrées à nourrir les animaux.


L'administration navigue, en naviguant en eaux troubles, en essayant de sauvegarder la meilleure cohabitation possible, au prix de promesses intenables, de permis d'exploiter accordés en toute discrétion, afin que l'or noir arrose ces territoires gaufrés de blanc.

Le point de départ choisi par Olivier Tronc pour lancer son récit nous plonge dans les affres rencontrées par ces éleveurs aux énergies si farouches, nous initie à leur capacité de piloter des troupeaux entiers et leurs épiques transhumances, nous ouvre les yeux sur les courants marins aux températures proches de zéro.

Un renne tenace, endurant, reconnu par sa bravoure, est un jour choisi par la meute comme le chef du troupeau. C'est lui qui par son instinct se lancera le jour et à l'heure propice dans le Détroit du Loup. Tous le suivent comme les jeunes faons.
Ce jour là un événement inattendu survient le chef fait demi tour, puis le courant se retourne contre lui en un tourbillon entraînant dans la mort le troupeau, un jeune sami Erik Steggo va au devant et redresse la transhumance marine, mais pris dans un cordage il meurt de noyade.


C'est le début implacable des tensions qui éclateront au grand jour faisant d'autres victimes, et parmi elles des plongeurs professionnels. 
Ce décor parfois lunaire de glace, va révéler des hommes héroïques comme les malfrats près à tout. Des femmes surgiront de ce récit, dans la douleur, la veuve Anneli Steggo pour avoir perdu son compagnon dans cette traversée du détroit, et Nina de la brigade de police des rennes. Deux femmes exceptionnelles d'origine sami, prêtes à défier les compagnies pétrolières.

Il y a aussi ces plates formes et ces installations démesurées nécessaires à la production pétrolière, comme des plaies que les promoteurs immobiliers cherchent à s'approprier. Que reste t-il pour eux les samis des retombées dites économiques dans leur bien être au quotidien, souvent la honte et le désespoir d'avoir cru à ces balivernes de progrès.


Un livre étourdissant de clameurs et de désillusions. Des hommes broyés par la vie, un quelque chose qui s'enfonce dans l'oubli, une croyance, une foi dans la nature, une ville Hammerfest, pourrait aussi s'effacer, à la moindre étincelle venue d'un géant du pétrole, aux éphémères plates-formes.


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