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Critique de vibrelivre


Savoir perdre,
David Trueba,

Flammarion, trad. de l'espagnol par Anne Plantagenet, 2010


C'est un livre long, qui prend le temps de conter trois histoires mêlées, dont les trois protagonistes appartiennent à la même famille, et nouent des rapports amoureux avec des étrangers, formant des couples mixtes. Ces relations nous mènent dans trois milieux très différents, celui de la prostitution, celui de l'immigration clandestine, celui du football. Les protagonistes sont le grand-père, Leandro, ancien professeur de piano, le père, Lorenzo, assassin d'un ex-associé qui l'a trahi, la fille, Silvia, une adolescente qui découvre enfin ! complexée qu'elle est par ses gros seins, l'amour.
La longueur du livre permet au lecteur de suivre les personnages dans Madrid où ils habitent, et de s'y attacher petit à petit. Leandro est en train de perdre sa femme, Aurora, qui meurt -discrètement- d'un cancer, et dont le prénom indique que c'est un personnage lumineux. Leandro se rend dans un bordel, sans qu'il sache véritablement pourquoi, sans qu'il éprouve un excitant plaisir charnel, et y noie tous ses biens. Il s'éprend d'affection pour une jeune Nigériane. Lorenzo, séparé de sa femme qui a trouvé le bonheur avec son patron, un homme qui donne le goût de la lecture à Silvia, se débat avec son crime pour lequel il est inquiété mollement, une recherche de boulot, sa solitude, et finalement son désespoir, que décèle son père. Il rencontre une Equatorienne, baby-sitter dans son immeuble, et fait connaissance par son intermédiaire de Wilson, Equatorien lui aussi qui aide d'autres Equatoriens en se faisant marchand de sommeil, Silvia est renversée par la voiture d'un jeune footballeur argentin très prometteur, Ariel, et qui pourtant ne convainc pas le public espagnol, pas plus que son père. Ariel visite Silvia à l'hôpital, et les deux jeunes gens qui sont seuls tissent une relation difficile, d'abord parce que Silvia est mineure.
le lecteur pénètre les différents milieux, le premier sordide, dont le seul but est de soutirer de l'argent, le deuxième, plus complexe, avec ses bars latinos, l'appel de la danse, les hommes macho, les filles aux vêtements moulants, l'église qui aide les pauvres, et la bande à Wilson, aux yeux tors mais sympathique, qui organise un trafic mi-honteux, mi-fraternel, le troisième faisant voir le monde du football quand les joueurs ne sont pas sur la pelouse mais dans des bars où on leur offre des filles, au club où on parle fric et commentaires du public, dans les hôtels luxueux, un monde en fin de compte de solitude, sans vrais rapports de solidarité, d'amitié, un monde éphémère dans lequel le joueur subit des pressions de toutes sortes. Toutes ces rencontres se font à Madrid, un Madrid qui change, qui s'enlaidit, où les gens ne sont pas mieux qu'ailleurs, un pianiste célèbre et narcissique, des photographes véreux, des chauffeurs de taxi vengeurs, des banquiers cupides, et des taureaux de corrida fatigués .
le ton de ce livre est plutôt désabusé, dont le désenchantement est masqué par des propos parfois rieurs. Les personnages d'Aurora, qui vise des valeurs essentielles, l'amour, le bonheur, et de Silvia, dont la jeunesse choisit sa route, apportent de la lumière dans ce paysage très sombre. le rythme est allègre, les histoires se lisent très facilement et sont si prenantes que le lecteur est anxieux du sort des personnages et veut connaître la fin , présentent des personnages secondaires très vivants, bien observés , s'installent dans une durée qui donne son épaisseur au tableau d'une capitale qui déçoit sur les plans politique et économique. Récit et dialogues, dont l'auteur ne précise pas le locuteur, et dont le vocabulaire appartient à l'âge de celui qui parle, sont bien partagés.
C'est un roman qui parle de la vie qu'on vit, mais qui l'élargit, parce que le lecteur, lui, reste dans son quartier, parce qu'il voit moins bien, d'une façon plus dispersée. de prendre des personnages d'une même famille sur trois générations permet aussi de regarder la ville et la vie de manière différente. Les personnages hochent souvent la tête, ils ne veulent dire ni oui ni non, mais ils avancent, font des essais, les transforment ou pas, ils vivent, quoi, ils savent perdre, le titre serait-il une définition possible de la vie?- et nous renvoient à la nôtre. Pour gagner, a dit le docteur à Ariel, il faut de la chance et de l'arbitraire.
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