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Critique de moustafette


Voici un livre que l'on m'a offert pour son titre, titre qui résume joliment ce à quoi se confrontent les personnages de ce roman puisqu'ils "vont tour à tour éprouver le désir de gagner et la douleur de perdre".

Le cadre de ce roman ne m'aurait pas spontanément attirée, contrairement à la très belle couverture. Quand je vous aurai dit qu'il y est pas mal question de football, vous comprendrez mon scepticisme...

Sylvia, jeune ado de 16 ans, vit à Madrid chez son père Lorenzo. Plutôt mature, tout en continuant le lycée, elle s'occupe du quotidien face à ce père qui, au chômage et dépressif depuis que sa femme l'a quitté, peine à donner le change. Elle n'en garde pas moins les préoccupations de son âge. Pendant que sa fille se demande qui lui ravira sa virginité et l'enverra au septième ciel, pour Lorenzo c'est la descente aux enfers quand il tue son ancien ami et patron lors d'un cambriolage vengeur qui tourne mal.

Tout ne va pas pour le mieux non plus pour les parents de Lorenzo. Alors que la santé de la mère se dégrade, le père, Léandro, ancien professeur de piano respectable, est saisi du démon de midi à 73 ans et dilapide les biens familiaux auprès de prostituées.

Une nuit, Sylvia se fait renverser par un bolide conduit par un jeune et séduisant joueur de foot argentin, Ariel, recruté depuis peu par le club madrilène pour son talentueux coup de pied. Elle s'en sort avec une jambe cassée et une idylle improbable naît entre les deux jeunes gens.

Si j'ai douté pouvoir arriver au terme de ce livre de 445 pages, mes craintes se sont envolées à mon insu malgré les intrusions fréquentes sur les terrains de foot et les tribulations sexuelles d'un Leandro souvent pathétique. C'était sans compter sur le talent de l'auteur qui distille subtilement la progression de son intrigue, donnant alternativement voix aux quatre protagonistes, et sur laquelle vient se greffer une multitude de personnages secondaires à la fragilité émouvante. Il nous sert sur un plateau un roman social et réaliste où un modernisme plutôt noir se dispute à une nostalgie sépia.

Exit le mélo, la jeunesse des uns fait la nique à la solitude des autres mais les générations en devenir font preuve d'une lucidité que préfèrent estomper leurs aînés, tout occupés qu'ils sont à colmater les désillusions de leurs vies. Roman du désir et de l'argent qui mènent les personnages par le bout du nez entre nécessité et culpabilité, les hommes n'y ont pas le beau rôle. Déboussolés, ils tentent maladroitement de s'adapter à la force des femmes. le footballeur Ariel est à l'opposé des clichés habituels et réussit même à s'attirer la sympathie du lecteur (en l'occurrence la mienne, un exploit...), l'auteur dénonçant la marchandisation des sportifs.

Au final un grand brassage sociétal balayant large, du sport ultra médiatisé à la prostitution (la frontière est parfois ténue), de l'émigration clandestine au chômage en passant par le luxe et la précarité érigés en art de vivre, tout nous parle de la fugacité des choses, de la fatalité et du hasard, de l'amour et de la mort. Un brillant instantané de l'Espagne de ce début de siècle où chacun, les nantis comme les moins bien lotis, perd sa vie à la gagner, à moins que ce ne soit l'inverse... N'attendez pas de happy end, la réalité tout simplement.



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