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Critique de Arimbo


Voilà un petit livre dont je dois la découverte et la lecture à une critique de mon amie babeliote Bobby The Rasta Lama. (une excellente critique pleine de nuances et d'humour).

Un ouvrage pas religieux du tout, au sens où il n'y a pas du tout de Dieu tout-puissant dans ces pages, vengeur encore moins, incarné pas du tout, mais un « Principe » qui m'a beaucoup surpris car il m'a fait penser au Dieu de Spinoza, ou à notre connaissance actuelle de l'Univers.

Un ouvrage certes à prendre comme un texte datant sans doute d'au moins 2500 ans, et donc avec la nécessité de tenir compte de la distance avec notre époque, et de ne pas lui faire tout dire avec nos yeux du 21ème siècle. Et parfois de passer au-dessus de formulations bien obscures, à première vue.
Mais pourtant qui devrait nous parler. Personnellement, j'y ai trouvé avec intérêt une source de sage réflexion pour nous les humains qui assistons avec anxiété au début des dégâts que notre volonté folle de conquérir le monde, d'asservir notre planète sans la respecter, commencent à faire sur la Terre.

Alors certes, ne pas se cultiver, ne rien apprendre, ça nous choque, car c'est bien par les connaissances scientifiques que nous en savons un peu plus sur la structure de l'Univers, sur celle de la matière, mais aussi d'où nous venons, l'évolution des espèces, de quoi est faite l'organisation du vivant, etc..

Mais si on change le mot « Principe » en Univers, un Univers dont l'organisation, l'histoire et le devenir est complètement indifférent à notre volonté d'humains, on s'y retrouve un peu quand l'auteur écrit:
« Voici ce qu'est le Principe : il est indistinct et indéterminé. Oh combien indistinct et indéterminé !–Dans cette indistinction et indétermination, il y a des types. Oh qu'il est indistinct et indéterminé !–Dans cette indistinction et indétermination, il y a des êtres en puissance. Oh qu'il est mystérieux et obscur !–Dans ce mystère, dans cette obscurité, il y a une essence, qui est réalité.–Voilà quelle sorte d'être est le Principe. »
Ou encore:
« Comment sais-je que telle fut l'origine de tous les êtres ?.. Par cela (par l'observation objective de l'univers), qui révèle que les contingents doivent être issus de l'absolu »

Alors, bien sûr, quand Lao Tseu écrit:
« Il est un être d'origine inconnue, qui exista avant le ciel et la terre, imperceptible et indéfini, unique et immuable, omniprésent et inaltérable, la mère de tout ce qui est. »,
nous savons que l'Univers n'est pas immuable, mais au contraire en mouvement depuis le Big Bang, et que peut-être existent d'autres Univers que le nôtre.
Mais nous savons aussi que nous ne savons pas, et savons que nous ne saurons pas,.ce qu'il y eut avant le Big Bang, ni s'il existe d'autres Univers que le nôtre.

Ceci dit, le sage Lao Tseu n'écrit il pas:
« Tout savoir et croire qu'on ne sait rien, voilà le vrai savoir (la science supérieure). Ne rien savoir et croire qu'on sait tout, voilà le mal commun des humains »

Mais , quand même, je remarque que le monde que décrit Lao Tseu, c'est un monde sans Dieu, sans dieux, indifférent aux hommes.

Ce qui m'a beaucoup frappé c'est qu'il y a dans toutes ces pages, un respect absolu de la vie, des êtres vivants, des humains, parfois déconcertant, ainsi:
« Le Sage n'a pas de volonté déterminée. ….Il traite également bien les bons et les mauvais, ce qui est la vraie bonté pratique. Il a également confiance dans les sincères et les non-sincères ; ce qui est la vraie confiance pratique. »

Et puis, ce respect implique une attitude détachée à l'égard de tout, un non-agir qui me semble être la clé de voûte du taoïsme, et dont Lao Tseu met en avant l'efficacité: .
« Agir sans agir ; s'occuper sans s'occuper ; goûter sans goûter ; voir du même oeil, le grand, le petit, le beaucoup, le peu ; faire le même cas des reproches et des remerciements ; voilà comme fait Le Sage »
Ou encore:
« le silence et l'inaction ! Peu d'hommes arrivent à comprendre leur efficacité. »

Ce « non-agir », cette nécessité de mesure dans toute notre vie m'évoque tout naturellement l'ataraxie d'Epicure, ou l'attitude de Montaigne. Ainsi dans ces phrases:
« Céder à ses convoitises, (et la manie de guerroyer en est une), c'est le pire des crimes. Ne pas savoir se borner, c'est la pire des choses néfastes. La pire des fautes, c'est vouloir toujours acquérir davantage. Ceux qui savent dire « c'est assez », sont toujours contents. »
Ou:
« La paix fait durer ; qui comprend cela, est éclairé. Tandis que tout orgasme, surtout la luxure et la colère, usent. de là vient que, à la virilité (dont l'homme abuse) succède la décrépitude. La vie intense est contraire au Principe, et par suite mortelle prématurément. »

Et Lao Tseu, dans une attitude proche de celle de Socrate, met en avant l'importance de se connaître soi-même, de mettre en évidence ce qui est caché, illusions, croyance, etc…pour atteindre la sagesse:
« Connaître les autres, c'est sagesse ; mais se connaître soi-même, c'est sagesse supérieure, (la nature propre étant ce qu'il y a de plus profond et de plus caché).–Imposer sa volonté aux autres, c'est force ; mais se l'imposer à soi-même, c'est force supérieure (les passions propres étant ce qu'il y a de plus difficile à dompter). Se suffire (être content de ce que le destin a donné) est la vraie richesse ; se maîtriser (se plier à ce que le destin a disposé) est le vrai caractère. »

Et enfin, le respect de la vie implique le refus de la guerre. Il y a quelques phrases d'une surprenante actualité et qui devraient faire réfléchir un certain Vladimir et tous les dictateurs qui s'engagent en ce moment dans des guerres absurdes, mais je sais que c'est peine perdue:
« le courage actif (valeur guerrière) procure la mort. le courage passif (patience, endurance) conserve la vie. Il y a donc deux courages, l'un nuisible, l'autre profitable. »
ou bien:
« Les armes sont des instruments néfastes, dont un prince sage ne se sert qu'à contrecoeur et par nécessité, préférant toujours la paix modeste à une victoire glorieuse. »
Et surtout celle-là:
« Il n'est pas de fléau pire qu'une guerre faite à la légère, (cherchée délibérément, poussée au-delà du nécessaire). Qui fait cela, expose ses biens à leur perte, et cause beaucoup de deuil. »

En conclusion, après avoir terminé cet ouvrage, que je relirai par petits bouts, moi qui ne connais pas bien le monde de la philosophie, je me fais la réflexion que les chemins de la sagesse ne sont pas multiples, mais que, à des nuances près, il n'y a qu'un seul chemin que tant d'humains de toutes les époques nous proposent de prendre.
Encore faut-il le prendre, et ce n'est pas ce que nous faisons.
Comme dit Lao Tseu:
« Est-il assez clair que la faiblesse vaut mieux que la force, que la souplesse prime la raideur ? Tout le monde en convient ; personne ne fait ainsi. »






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