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sur 419 notes
Écrire une courte analyse critique du Tao Te King est une gageure dont je mesure bien l'absurdité mais ce livre a tenu une telle place dans ma vie, et aujourd'hui encore, que la tentation finalement l'emporte sur la réticence.

Premièrement pour dire que son rédacteur présumé Lao Tseu (Lao Zi) est probablement l'un des auteurs les plus plagié de la planète. On le cite à tout bout de champ, mais plutôt mal en général. Souvent les extraits choisis sont utilisés dans un contexte si éloigné de leur terreau d'origine qu'ils en perdent toute consistance. Non moins régulièrement on se contentera d'inventer de toute pièce un piètre aphorisme qu'on attribuera royalement au vieux sage perché sur son buffle. Rajoutée sous n'importe quelle niaiserie, la signature de Lao Tseu en impose. Mais finalement, en dernier lieu, le cas le plus fréquemment rencontré est une simple incompréhension profonde du texte originel. Car il y a bien sûr cent façons d'entendre le fameux Tao, mais comme il semble le penser Lao Tseu lui-même, il en existe mille autres de ne rien y comprendre. Ne lit-on pas à l'ouverture du verset 70 :

« Mes paroles sont très facile à comprendre et très facile à mettre en pratique
Pourtant personne ne les comprend et personne ne les pratique... »

Il existe tant de raison à cela ! La difficulté, toujours actuelle, de « poser » une traduction des ces idéogrammes chinois dont la complexité sémantique est bien réelle. Ou la difficulté à cerner la personnalité de son auteur, au sujet duquel de nombreuses polémiques circulent (on ne sait rien de définitif sur un supposé personnage réel ayant rédigé les 81 verset du Tao Te King). Sans parler de notre ignorance quasi totale, du moins jusqu'à ces dernières vingt années, des cultures asiatiques dont la diffusion en Occident est restée, fort longtemps, qu'une affaire de spécialistes et de passionnés. A moins qu'il ne s'agisse que d'une pure question d'état d'esprit ?

Car paradoxalement, depuis que je fréquente ce livre et ses lecteurs, j'ai remarqué que rien ne semble entraver, en réalité, une saisie instinctive et immédiate du texte. Aussi singulier soit-il, on le capte ou ne le capte pas, c'est aussi simple que cela. Parfois la magie opérera du premier coup, parfois au hasard d'une relecture, qu'importe ! Soudain tout nous devient clair et évident. Expliquer aux autres ce que l'on ressent alors, ce qu'on a véritablement compris et traduire cela en langue de Descartes est une autre histoire. Lao Tseu nous avait prévenu dans le verset 56 « Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas ». Cela dépasse le simple problème de la restitution de la connaissance (notamment livresque) par la parole. Ce que semble suggérer Lao Tseu c'est que les deux façons d'être ne se chevauchent pas. le peu que l'on pourrait apprendre serait essentiellement une saisie implicite, intériorisés, et intraduisible par un discours logique. C'est un des paradoxe majeure du Tao Te King : il prend le risque de nous introduire par écrit à une pensée qui exclut majoritairement l'usage de l'écrit et du discours. Certes l'idéogramme chinois n'est pas le mot latin, ou grec, et il demeure sémantiquement plus riche et plus « mystérieux ». Mais cela explique en tout cas pourquoi le langage spécifique du Tao Te King utilise à outrance des formes qui défient continuellement la logique ordinaire («  On pétrit l'argile pour en faire un vase, mais sans le vide interne, qu'en ferai-t-on ? » verset 11) .

C'est en réalité une sorte de virus qui s'attaque sans pitié aux logiciels cognitifs les mieux dissimulés de notre disque dur culturel, dont la logique est étroitement associée à l'usage constant d'une pensée dualiste, pour ne pas dire manichéenne. Lao Tseu est une sorte de boxeur sémantique qui cherche essentiellement à nous faire perdre notre équilibre « logique ». Une fois la sacro-sainte raison à terre, on peut enfin comprendre. le Chan puis le Zen ne sont plus très loin. Pour Lao Tseu, « le grand carré n'a pas d'angle » (verset 41) et Pythagore, qui fut globalement son contemporain, en eut peut être avalé sa barbe malgré sa connaissance des arts ésotériques de son temps. La pensée qui traverse le Tao Te King échappe en tout cas à toute logique aristotélicienne classique.



De mon point de vue, le Tao Te King est la précieuse et très rare relique d'une pensée qui a du dominer le monde avant l'utilisation massive de l'écrit et du type de pensée dualiste qui l'a partout accompagné, au moins en Occident. Il s'agit d'une sorte de « pensée néolithique » ayant survécu par miracle aux aléas de la brusque émergence de la pensée logique et discursive. Bien plus qu'une énième introduction à la culture chinoise, c'est plutôt à ce titre que j'emmènerais, sans hésiter une seconde, ce livre sur une île déserte. Il me serait alors plus utile que n'importe quel autre afin de retrouver mon équilibre intérieur.

Aborder le Tao Te King en étant au fait de la langue et de la culture chinoise ne sera que le privilège de quelques uns. Qu'il n'en détourne pas, pour autant, tous les autres. Pour tout dire la pensée taoïsme ne fait pas grand cas de la culture comme nous l'entendons aujourd'hui. Pour Lao Tseu, elle nous sépare le plus souvent des réalités triviales qui nous laisseraient apprécier notre véritable condition humaine. « Heureux les simples d'esprit «  disait Jésus « le royaume de dieu leur appartient ». Lao Tseu dit à sa façon qu'aucune culture particulière n'est nécessaire à celui qui a décidé de suivre la voie du Tao . Il fut de bon ton, à une certaine époque et dans une certaine intelligentsia de critiquer le Tao Te king parce qu'il préconisait, pour leur bonheur, de laisser les foules dans l'ignorance plutôt que de les instruire. On sait pourtant aujourd'hui ce qu'il advient des petits peuples libres dont on force l'adhésion à un système « civilisateur » : ils disparaissent sans laisser de traces. Les petits esquimaux groenlandais de 2012 reçoivent une instruction « normale », hélas ils s'ennuient désormais chez eux et ne parviennent même plus à vivre selon les lois de leurs pères. Lao tseu nous disait peut être qu'il valait mieux laisser à l'écart de la civilisation les peuples qui n'avaient pas envie de la rejoindre. C'est à méditer.

On oublie aussi de rappeler (ce qui curieusement ne semble pas avoir retenu l'attention de nos intellectuels) que le Tao Te king est un texte extrêmement critique vis à vis de la violence, des armes, ainsi que des pouvoirs qui s'exercent de façon coercitive. En cela il fonde une d'anarchie spontanée et originelle, sans dieu ni maître certes, mais où les lois naturelles fondamentales, et donc celles du fameux Tao, sont les seules à valoir d'être prises en compte. le 20ème siècle n'a donc pas inventé l'écologie et Lao Tseu, qui ne fait que contempler, pendant l'antiquité chinoise, les prémices des civilisations à venir, a déjà compris ce qu'il adviendrait, avec elles, du Tao, de la nature et du naturel. le taoïsme n'hésite pas à nous mettre en garde : en dernier lieu «  le ciel et la terre ne prennent pas en compte les préoccupations humaines. Ils traitent tous les êtres vivants comme des chiens de paille » (verset 5). Ce genre d'assertion n'est effectivement pas de nature à susciter la bienveillance de nos élites...

En un mot comme en cent, trente ans après l'avoir ouvert pour la première fois avec une moue dubitative, je continue de penser que le TaoTe King est un des livres les plus révolutionnaire qui n'ait jamais été écrit. En France, il va du Tao Te King comme des rapports amoureux. Plus on en parle... Souvent cité, il est assez peu lu. Sur une communauté aussi large que celle de Babelio, seules 44 personnes l'ont ouvert. C'est peu et c'est dommage. le commentaire que l'on entend le plus souvent dans la bouche du lecteur qui se lance est « Je n'y comprend rien, c'est du chinois ». C'est tout à fait normal. Contre Jean-François Billeter et avec François Jullien, je crois à la singularité de la pensée chinoise, ici à son paroxysme dans la pensée taoïste. Il n'existe pourtant aucun pré-requis à sa découverte. le Tao navigue à sa guise. Mais ouvrir le Tao te King (ou les aphorismes de Tchouang tseu, plus tardifs) au risque d'en saisir le sens, est , n'en doutons pas, un exercice périlleux. Il pourrait fondamentalement changer votre vision du monde, rien de moins.
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"Le Tao qu'on tente de saisir n'est pas le Tao lui-même;
le nom qu'on veut lui donner n'est pas son nom adéquat."

Un grand petit livret à la simplicité compliquée, qui recèle un mystère plus profond que la profondeur elle-même.

Selon une vieille légende chinoise, Lao Tseu l'a écrit en quatre jours. Dans sa vieillesse, il décida de quitter la cour impériale pour se réfugier dans la solitude, mais il fut arrêté par le gardien de la frontière qui l'a reconnu, et qui l'autorisa à partir qu'à condition de coucher d'abord toute sa sagesse par écrit. Dès que le maître acheva cette tâche, il quitta la ville sur le dos d'un boeuf, et personne ne l'a plus jamais revu.

Le livre est classé parmi les textes fondateurs qui ont contribué a former notre vision du monde, et reste la source principale de la peinture et de la poésie chinoises. Sa version finale, découverte dans une tombe de Guodian en 1993, date de 350 av. J.-C, et son importance philosophique est aussi considérable que la découverte des manuscrits de Qumran pour les études bibliques. Elle revient vers l'ancien Tao cru ; elle est forte, archaïque et étrange.
C'est néanmoins un livre profitable, même si je suis totalement consciente que son apparente simplicité peut être on ne peut plus traîtresse, sans même penser aux difficultés de sa traduction et à ses nombreuses versions et interprétations diverses. Quoi qu'il en soit, j'ai bien fait d'y revenir après toutes ces années, car l'enseignement du sage Lao m'a permis de surmonter l'insurmontable... à savoir le souci babéliote avec la disparition des espaces vides entre les paragraphes. Créer du vide à l'aide du plein, telle est la réponse ! Je suis certaine qu'on y trouve même la solution du célèbre "to be or not to be ?" d'Hamlet : si on se lance sur la Voie, l'être et le non-être deviennent aussi complémentaires que le principe du Yin et du Yang, et tout l'éventuel questionnement concernant la possibilité du non-être babéliote devient vite superflu et risible. Ceci dit, n'oublions pas le subtil avertissement du Maître, qui pense que "le monde n'a pas de normes, car le normal peut se faire anormal et le bien peut se transformer en monstruosité".

Il est certain que depuis l'époque qui a vu naître ces textes beaucoup de choses ont changé, et l'appel de l'auteur au retour absolu vers la nature, au rejet de tout savoir et toute culture, n'aurait plus convaincu même le plus vert de tous les écologistes modernes. Mais il vaut toujours une réflexion, ainsi que ses aphorismes sur le pouvoir et ses dirigeants :
"Ainsi un homme de bien se contente-t-il d'être résolu, sans user de sa force. Qu'il soit résolu sans orgueil. Qu'il soit résolu sans exagération. Qu'il soit résolu sans ostentation. Qu'il soit résolu par nécessité. C'est en ce sens qu'il est résolu, sans s'imposer par la force."
L'avertissement suivant pourrait paraître tout aussi éloquent au lecteur actuel, abruti par les éternels mantras sur le succès et l'assertivité :
"Actuellement, on dédaigne la mansuétude pour être courageux ; on dédaigne la modération pour être libéral ; on dédaigne d'être le dernier pour être le premier. C'est la mort !"
Par moments, les pensées de Lao Tseu s'approchent vraiment de la vision chrétienne ; si ces lignes n'étaient pas aussi anciennes, on pourrait presque les confondre avec les évangiles :
"Pourquoi les anciens estimaient-ils tant la Voie ? Ne disaient-ils pas : "Qui cherche trouve par elle ; qui commet un forfait échappe par elle ?" C'est pour cela qu'elle est en si haute estime dans le monde."

Le motif central de toutes les réflexions est le respect de la vie, et le refus de la violence sous toutes ses formes, y compris tous les efforts et désirs qui pourraient potentiellement mener à la violence.
Au moment où l'homme arrête de créer (les illusions dans son esprit) il devient capable de voir la Création ; au moment où il arrête de parler, il va entendre la voix du Tao. Ceci est à peu près le principe de la philosophie taoïste du non-agir (wu wei) : si j'arrête d'agir, le Tao peut se manifester dans toute sa splendeur.
La vertu qui en résulte est donc un peu en dehors de ce monde ; une vertu presque amorale et cynique, qui polémique avec les préceptes rigoureux du confucianisme, et avec la vertu morale codifiée par les lois humaines. Un saint taoïste devient un parfait antagoniste d'un saint confucianiste, par sa sagesse paradoxale du non-agir indocile, ironique et archi-individuel. Il provoque par son silence, son savoir s'approche de celui de Socrate ("je sais que je ne sais rien"), et sa sagesse de la folie d'Erasme.
Tandis que certains passages et conseils simples semblent clairs et instructifs, d'autres nous font comprendre à la fois tout et rien du tout. C'est probablement aussi la raison pourquoi le livre reste une friandise tant pour les philosophes et les théologiens, que pour toutes sortes de mystiques, blogueurs New Age et fans d'Antoine Volodine.
"Ne pas considérer savoir comme savoir est le comble.
Considérer ne pas savoir comme savoir est une peste.
En effet, c'est seulement en considérant cette peste comme une peste, qu'on ne souffre pas de la peste.
Le Saint ne souffre pas de la peste, parce qu'il considère la peste comme une peste ; de là vient qu'il ne souffre pas de la peste."
5/5 en pestant sur ma légère envie de pester....
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Très difficile de porter un critique sur ce livre, d'ailleurs pas toujours facile d'accès.
Certains chapitres sont assez simples à comprendre d'autres sont bien tordus.
Le meilleur moyen pour le lire est de n'en lire que très très peu à la fois, quelques lignes, quelques phrases et se laisser pénétrer par la magie des mots. Les laisser faire leur chemin. Notre cerveau agit comme un filtre, à chaque passage il n'en retiendra que de fines particules … particules d'or bien évidemment.
Un compagnon, un guide qui convient de consulter fréquemment et de garder à porter d'âme mais rien ne remplace sa propre expérience, son propre ressenti. Un livre qui est une trame pour notre éveil spirituel.
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Voilà un petit livre dont je dois la découverte et la lecture à une critique de mon amie babeliote Bobby The Rasta Lama. (une excellente critique pleine de nuances et d'humour).

Un ouvrage pas religieux du tout, au sens où il n'y a pas du tout de Dieu tout-puissant dans ces pages, vengeur encore moins, incarné pas du tout, mais un « Principe » qui m'a beaucoup surpris car il m'a fait penser au Dieu de Spinoza, ou à notre connaissance actuelle de l'Univers.

Un ouvrage certes à prendre comme un texte datant sans doute d'au moins 2500 ans, et donc avec la nécessité de tenir compte de la distance avec notre époque, et de ne pas lui faire tout dire avec nos yeux du 21ème siècle. Et parfois de passer au-dessus de formulations bien obscures, à première vue.
Mais pourtant qui devrait nous parler. Personnellement, j'y ai trouvé avec intérêt une source de sage réflexion pour nous les humains qui assistons avec anxiété au début des dégâts que notre volonté folle de conquérir le monde, d'asservir notre planète sans la respecter, commencent à faire sur la Terre.

Alors certes, ne pas se cultiver, ne rien apprendre, ça nous choque, car c'est bien par les connaissances scientifiques que nous en savons un peu plus sur la structure de l'Univers, sur celle de la matière, mais aussi d'où nous venons, l'évolution des espèces, de quoi est faite l'organisation du vivant, etc..

Mais si on change le mot « Principe » en Univers, un Univers dont l'organisation, l'histoire et le devenir est complètement indifférent à notre volonté d'humains, on s'y retrouve un peu quand l'auteur écrit:
« Voici ce qu'est le Principe : il est indistinct et indéterminé. Oh combien indistinct et indéterminé !–Dans cette indistinction et indétermination, il y a des types. Oh qu'il est indistinct et indéterminé !–Dans cette indistinction et indétermination, il y a des êtres en puissance. Oh qu'il est mystérieux et obscur !–Dans ce mystère, dans cette obscurité, il y a une essence, qui est réalité.–Voilà quelle sorte d'être est le Principe. »
Ou encore:
« Comment sais-je que telle fut l'origine de tous les êtres ?.. Par cela (par l'observation objective de l'univers), qui révèle que les contingents doivent être issus de l'absolu »

Alors, bien sûr, quand Lao Tseu écrit:
« Il est un être d'origine inconnue, qui exista avant le ciel et la terre, imperceptible et indéfini, unique et immuable, omniprésent et inaltérable, la mère de tout ce qui est. »,
nous savons que l'Univers n'est pas immuable, mais au contraire en mouvement depuis le Big Bang, et que peut-être existent d'autres Univers que le nôtre.
Mais nous savons aussi que nous ne savons pas, et savons que nous ne saurons pas,.ce qu'il y eut avant le Big Bang, ni s'il existe d'autres Univers que le nôtre.

Ceci dit, le sage Lao Tseu n'écrit il pas:
« Tout savoir et croire qu'on ne sait rien, voilà le vrai savoir (la science supérieure). Ne rien savoir et croire qu'on sait tout, voilà le mal commun des humains »

Mais , quand même, je remarque que le monde que décrit Lao Tseu, c'est un monde sans Dieu, sans dieux, indifférent aux hommes.

Ce qui m'a beaucoup frappé c'est qu'il y a dans toutes ces pages, un respect absolu de la vie, des êtres vivants, des humains, parfois déconcertant, ainsi:
« Le Sage n'a pas de volonté déterminée. ….Il traite également bien les bons et les mauvais, ce qui est la vraie bonté pratique. Il a également confiance dans les sincères et les non-sincères ; ce qui est la vraie confiance pratique. »

Et puis, ce respect implique une attitude détachée à l'égard de tout, un non-agir qui me semble être la clé de voûte du taoïsme, et dont Lao Tseu met en avant l'efficacité: .
« Agir sans agir ; s'occuper sans s'occuper ; goûter sans goûter ; voir du même oeil, le grand, le petit, le beaucoup, le peu ; faire le même cas des reproches et des remerciements ; voilà comme fait Le Sage »
Ou encore:
« le silence et l'inaction ! Peu d'hommes arrivent à comprendre leur efficacité. »

Ce « non-agir », cette nécessité de mesure dans toute notre vie m'évoque tout naturellement l'ataraxie d'Epicure, ou l'attitude de Montaigne. Ainsi dans ces phrases:
« Céder à ses convoitises, (et la manie de guerroyer en est une), c'est le pire des crimes. Ne pas savoir se borner, c'est la pire des choses néfastes. La pire des fautes, c'est vouloir toujours acquérir davantage. Ceux qui savent dire « c'est assez », sont toujours contents. »
Ou:
« La paix fait durer ; qui comprend cela, est éclairé. Tandis que tout orgasme, surtout la luxure et la colère, usent. de là vient que, à la virilité (dont l'homme abuse) succède la décrépitude. La vie intense est contraire au Principe, et par suite mortelle prématurément. »

Et Lao Tseu, dans une attitude proche de celle de Socrate, met en avant l'importance de se connaître soi-même, de mettre en évidence ce qui est caché, illusions, croyance, etc…pour atteindre la sagesse:
« Connaître les autres, c'est sagesse ; mais se connaître soi-même, c'est sagesse supérieure, (la nature propre étant ce qu'il y a de plus profond et de plus caché).–Imposer sa volonté aux autres, c'est force ; mais se l'imposer à soi-même, c'est force supérieure (les passions propres étant ce qu'il y a de plus difficile à dompter). Se suffire (être content de ce que le destin a donné) est la vraie richesse ; se maîtriser (se plier à ce que le destin a disposé) est le vrai caractère. »

Et enfin, le respect de la vie implique le refus de la guerre. Il y a quelques phrases d'une surprenante actualité et qui devraient faire réfléchir un certain Vladimir et tous les dictateurs qui s'engagent en ce moment dans des guerres absurdes, mais je sais que c'est peine perdue:
« le courage actif (valeur guerrière) procure la mort. le courage passif (patience, endurance) conserve la vie. Il y a donc deux courages, l'un nuisible, l'autre profitable. »
ou bien:
« Les armes sont des instruments néfastes, dont un prince sage ne se sert qu'à contrecoeur et par nécessité, préférant toujours la paix modeste à une victoire glorieuse. »
Et surtout celle-là:
« Il n'est pas de fléau pire qu'une guerre faite à la légère, (cherchée délibérément, poussée au-delà du nécessaire). Qui fait cela, expose ses biens à leur perte, et cause beaucoup de deuil. »

En conclusion, après avoir terminé cet ouvrage, que je relirai par petits bouts, moi qui ne connais pas bien le monde de la philosophie, je me fais la réflexion que les chemins de la sagesse ne sont pas multiples, mais que, à des nuances près, il n'y a qu'un seul chemin que tant d'humains de toutes les époques nous proposent de prendre.
Encore faut-il le prendre, et ce n'est pas ce que nous faisons.
Comme dit Lao Tseu:
« Est-il assez clair que la faiblesse vaut mieux que la force, que la souplesse prime la raideur ? Tout le monde en convient ; personne ne fait ainsi. »






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Tao-tö king est l'oeuvre immortelle du Maître,Lao-tseu (570-490 avant J .-C). Ce livre, est considéré surtout comme une sorte de « bible» du taoïsme. Un traité composé de nombreuses sentences, la sagesse, comment s'exprime t-elle ; "qui veut abaisser quelqu'un doit d'abord le grandir"

Issu d'une tradition orale ancienne, il y a dans ces sentences une actualité étonnante. Bien des hommes et des femmes pourraient en ce mois de mai 2017 s'inspirer de ces principes.

La doctrine de Lao-tseu est résolument monothéiste Ce quel-que chose "muet et vide est indépendant et inaltérable. Il circule partout sans se lasser jamais. Il doit être la Mère de l'univers. Ne connaissant pas son nom, je le dénomme “Tao”."

Le Tao est un principe qu'on peut découvrir en observant les choses et leur empreinte venant du Tao : ainsi " l'eau qui favorise tout et ne rivalise avec rien."

Lao-tseu, enseigne le devoir, appliquer à soi-même les règles qu'on voudrait voir appliquées par autrui, " Qui prend conscience de son erreur ne commet plus d'erreur." le chemin de la sagesse est aussi tracé, certes digne de gloire, le sage reste volontairement dans l'obscurité.

Lao-tseu enseigne une voie essentiellement active," il faut tout savoir, être informé de tout et pourtant rester critique comme si on ne savait rien."

La doctrine du Tao a beaucoup influencé l'âme chinoise.Cette entité se manifeste dans l'opposition harmonieuse du yin et du yang, cette dualité de la nuit et du jour, du passif et de l'actif.

la doctrine de Lao-tseu a engendré un intérêt passionné pour la nature et la recherche de la béatitude heureuse.En Occident, depuis trois siècles, le Tao-tö king, a connu une vague d'enthousiasme : de Paul Claudel à Jean Grenier,de Raymond Queneau à Michel Leiris qui évoquait " d'étranges prolongements, chargées d'une vérité trop ancienne et trop élémentaire pour n'être pas incontestable.", (un homme politique, et lequel serait -il Taoïste).


Selon la tradition chinoise, Lao Tan, plus connu sous le nom de Lao-tseu ou Laozi (Vieux Maître) aurait vécu auVI siècle avant J .-C. Originaire du pays de Chu en Chine centrale.et aurait dispensé quelques enseignements au jeune Confucius.
"La quiétude est maîtresse de l'agitation", ça oui un homme agité je pense à quelqu'un, pas vous.
Que de mots justes de l'oxygène pour les jours brumeux, les peines insondables, les victoires trop ostentatoires, un livre inépuisable.




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Le Tao Te King est un des grands livres de spiritualité de l'humanité. Il peut se lire en deux heures ou se méditer toute une vie. Impossible d'en faire la critique. Ferait-on la critique de la Bible ou des Védas? En revanche, il n'est pas interdit de dire ce qui nous a marqué dans une première lecture, lente.
Ce qui me frappe au premier abord, c'est ce que nous pourrions prendre pour du fatalisme. L'idée d'un retrait, d'un laisser-faire. Mais cela est rapidement corrigé par le fait que le retrait est actif, que le non agir n'est pas une abstention. Et voilà, en quelques lignes nous avons avons déjà perdu pas mal de repères!
La difficulté, pour nous occidentaux, est que nous sommes habitués à être placés devant des choix, des alternatives, des contradictions. Tout cela paraît complètement étranger au taoïsme. Les contraires s'y interpénètrent. Il ne s'agit même pas de choisir un juste milieu, encore moins de cultiver la vertu par la maîtrise de ses passions. Je le verrais plutôt comme une sorte d'abandon contrôlé à l'ordre cosmique, une harmonie avec le monde qui donne de l'énergie et qui résout les contradictions. Une invitation à oublier la compétition.
Premières impressions sur un texte qui pourrait bien nourrir mes réflexions à l'avenir.
Là où je suis moins attiré, c'est par les considérations politiques, à première vue difficilement compatibles avec les libertés telles que nous les concevons dans les démocraties libérales. Cela demande vérification.
Quoi qu'il en soit une ouverture et un décentrement salutaires.
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J'ai hésité à publier une critique, c'est délicat, ce n'est pas un livre comme les autres. On est en pleine spiritualité, dire j'aime ou je n'aime pas n'a aucun sens ici à mes yeux. le Tao on entre en lui ou pas, les préceptes, les formules, la philosophie qui y est déployés, soit on est touché soit ça nous laisse indifférent.
Le Tao se révèle un tout dans lequel on trouve sa place ou on passe à côté...Pour ma part, j'y suis entré et j'ai apprécie, la sagesse, le coté détaché, la volonté de se connaitre de descendre au fond de soi pour avancer sereinement...certains passages m'ont ramené à des événements passés ou actuels, j'ai même vu certaines personnes qui me sont cheres à travers ces mots et leurs images...
Une aventure passionnante pour qui aime se plonger au-delà de lui même...
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Tout en paradoxes, le Tao-Te-King est une philosophie poétique (ou un poème philosophique), qui s'écrit « à rebours des habitudes des êtres ». Face à l'effervescence de la vie, qui pousse souvent à agir inconsidérément (a fortiori dans le contexte guerrier des Royaumes combattants de la Chine antique), ce livre prône le pacifisme et la modération en toutes choses, et tend vers le principe idéalisé du non-agir, le Wuwei (无为).

De là découle le singulier mélange d'ironie et d'humilité de cet ouvrage, qui incite à obtenir sans rechercher quoi que ce soit. Par exemple, la poursuite de la connaissance ne doit se faire qu'en voulant démontrer que l'on ne connaît rien (ce qui rappelle Socrate). Est-ce à dire que tout se vaut, et que l'on arriverait aussi bien au même résultat sans réfléchir ? Certes non :

« Connaître, c'est ne pas connaître :
Voilà l'excellence.
Ne pas connaître, c'est connaître
Voilà l'erreur »

Là réside, je pense, la subtilité de la Voie, qui est un mouvement intérieur et invisible, même à soi-même. le tao, principe fondateur de l'univers, tient dans des petits riens qui donnent forme au monde :

« Cet arbre qui remplit tes bras est né d'un germe infime.
Cette tour avec ses neuf étages vient de l'entassement de mottes de terre.
Le voyage de mille lieues commence par un pas. »

Le Tao Te King pourrait s'appeler le Livre de la tranquillité. Il est agréable de s'y replonger de temps en temps, même si son auteur prétend que « Les paroles vraies ne sont pas agréables » est-ce à dire que je l'ai lu de travers ? C'est possible, comme le montre cette remarque un brin narquoise adressée au lecteur :

« Mes préceptes sont très faciles à comprendre
et très faciles à pratiquer.
Mais nul ne peut les comprendre
ni les pratiquer. »

Comment savoir exactement ce que pensait Lao-Tseu (si tant est qu'il ait existé), quand on le lit à une telle distance linguistique, culturelle et temporelle ? C'est sans doute impossible, mais peut-être qu'à force d'essayer de le comprendre en sachant qu'on ne peut pas le comprendre, cette inanité productive nous rapprochera du tao. Comme disait John Keats : « celui qui croit dormir est en fait éveillé ».
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Tao-te-king est l’œuvre de Lao-Tseu. Si des extraits de sa pensée sont souvent proposés en citations, hors de tout contexte, on ne peut résumer notre connaissance de Lao-Tseu à la sagesse antique chinoise et amalgamer Lao-Tseu et Confucius qu’il a combattu dans tous ses dires et ses écrits ! Et pourtant, chez nous, souvent, Confucius comme Lao-Tseu ne sont que les prénoms d'une même philosophie chinoise qu'il est de bon ton de citer lorsqu'on prétend vouloir refaire le Monde avec sagesse...
L'intérêt de ce livre, traduit par Léon Wieger et publié en 1913, remet quelque peu les pendules à l’heure !
Il reste qu’il est difficile de pénétrer la pensée primitive de Lao-Tseu, écrite en 526 avant Jésus-Christ, rappelons-le! Le livre, en version numérique (clin d'oeil au Temps qui passe et à la numérique qui avance) présente ici les propos de Lao-Tseu structurés en chapitres (idée de génie du traducteur que de structurer le flot d’entrées méditatives du penseur) et Léon Wieger y ajoute le résumé des différents commentaires produits par quelques philosophes ayant essayé de pénétrer la pensée de Lao-Tseu.
Néanmoins, je me pose la question de savoir ce qui restera lorsque j’aurai tout oublié de ce livre ? A coup sûr, le fait d’y avoir trouvé quelques belles pensées qui peuvent alimenter ma réflexion et mes débats intérieurs sur la vie et la manière d’essayer de m’y tenir aussi droit que possible. Mais, ne nous y trompons pas, au-delà de quelques grandes paroles empreintes de sagesse profonde, il y a dans la Taoïsme, quelques pensées qui ne peuvent apparaître que subversives et provocatrices dans notre air du Temps!
A titre d’exemples, entre sagesse et provocations… :
« Les pensées et les préceptes, en un mot la morale conventionnelle, inutiles dans l’âge du bien spontané, furent inventés quand le monde tomba en décadence, comme remède à cette décadence. L’invention fut plutôt malheureuse. Le seul vrai remède eût été le retour au principe primitif qui donnait aux hommes d’agir spontanément avec bonté et équité. La morale conventionnelle ne relève pas de ces deux qualités spontanées. Elle n’est que fruit d’une politique de prudence et de sagesse acquise sur fond de jugement moral et de sanctions à supporter. »
« Quand un peuple est difficile à gouverner, c’est qu’il en sait trop long. Celui qui prétend procurer le bien en y répandant l’instruction, celui-là se trompe et ruine ce pays. Tenir le peuple dans l’ignorance, voilà qui fait le salut d’un pays. »
« Tout savoir et croire qu’on ne sait rien, voilà le vrai savoir, la science suprême. Ne rien savoir et croire qu’on sait tout, voilà le mal commun des humains. »
« Quand l’homme vient de naître, il est souple e faible mais plein de vie ; quand il est fort et puissant, alors il meurt. Tout ce qui est fort et grand est en moins bonne situation. L’avantage est toujours au souple et au faible. » … Le chêne et le roseau de Monsieur Jean en pensent exactement de même !

Sans m’avoir permis de faire le tour de la question du Taoïsme, loin s’en faut, ce livre m’aura au moins donné l’occasion de réfléchir, très partiellement, sur quelques idées, il est vrai, pas toujours remises en contexte. S'il faut, peut-être, probablement se laisser tirer vers le haut par le Taoïsme, il est cependant raisonnable de ne pas en faire un absolu et de se contenter de chercher à en comprendre le sens global sans prétendre en dénouer toute la finesse et le sens profond. Je ne suis pas sûr que la sagesse de Lao-Tseu puisse être déclarée en phase avec nos pensées, connaissances et expériences de vie du 21e siècle. Après lecture, l'impression qui me reste est la nécessité de faire la part belle aux interrogations plutôt qu’à l’obédience un peu trop vite accordée à quelques paroles apparaissant sages et guides potentiels pour une vie. Face à la vie, rester éveillé et sans certitude acquise pour l’éternité… C’est déjà tout un programme, non ?
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Le centre de gravité du Tao est le livre fondateur le « Tao Te King », le Livre de la Voie et de la Vertu.

Un peu comme pour Homère, cette oeuvre appelle des interrogations à l'infini et insolubles. Lao Tseu a t-il existé ? Qui a écrit le Tao ? S'agit-il d'une polyphonie de compilation de textes de sagesse ? L'ouvrage aurait été écrit au VIème siécle avant JC. Evidemment, il y a longtemps qu'il n'existe plus de version originale, oeuvre copiée, recopiée, enrichie (?) au fil des siècles.

Quoiqu'il en soit, le Tao Te King appartient au patrimoine universel de la sagesse même s'il est très intimement lié au terroir de la Chine. Au cas présent, il s'agit de la version traduite et commentée par Marcel Conche, un philosophe décloisonné, en ce sens que son travail encyclopédique ne se limite pas aux philosophes à système, canonisés par et pour l'enseignement académique.

Le Tao relève de l'invisible, du « Sans nom » (I, XXV, XXXII). Pour le Tao, ce qui importe c'est d'abord le souffle extérieur (« Qi »), le non dit, l'invisible.

Et ainsi que le souligne Marcel Conche « On ne voit pas l'invisible, cependant l'invisible est actif et efficace, puisque sans l'invisible, le visible ne serait pas ce qu'il parait manifestement être (…) » (p.91)  

Il peut sembler chimérique d'essayer de l'appréhender a minima. Mais cette appréhension doit passer par une intuition qui s'apparente à une révélation.

Ainsi, dans son introduction Marcel Conche avertit : « Pour comprendre Lao Tseu parlant du Tao, il faut déjà être dans une sorte de communion avec le Tao, de conformité avec au Tao. On comprend Lao Tseu si, d'une certaine manière, quelque chose en nous l'a déjà compris » (p. 13).

Malgré cette introduction quelque peu déconcertante pour un lecteur occidental, un examen attentif met en lumière plusieurs passerelles conceptuelles étonnantes, avec des univers beaucoup plus familiers.

En premier lieu, la Voie correspond au « panta rhei »..., tout s'écoule, énoncé dans la pensée d'Héraclite. le Tao, la Voie n'est qu'une métaphore, il ne s'agit pas d'un chemin reliant deux points mais une Voie, infinie comme l'écoulement de l'eau du fleuve. Pour le philosophe d'Ephèse le principe vital c'est le feu mais son fragment célébrissime « on ne peut pas entrer deux fois dans le même fleuve » offre un écho pénétrant. Un jeu de miroirs encore plus saisissant s'active avec l'union des contraires, le yin et le yang. Ainsi que le souligne Marcel Conche, pour Lao Tseu comme pour Héraclite, les opposés sont des contraires qui se fertilisent, non des contradictions.

« Le Dao engendre Un
Un engendre Deux
Deux engendre Trois
Trois engendre tous les êtres
Tout être porte sur son dos l'obscurité
et serre dans ses bras la lumière
le souffle indifférencié constitue son harmonie. » (XVII)

Mouvement vertical donc, l'axe sur lequel se projeter, le yin (« obscurité ») qui en mouvement descendant a créé la Terre et le yang (« lumière ») en ascendant est à l'origine du Ciel. Mais cet axe ne doit pas être perçu comme une colonne dorique statufiée dans le marbre, l'énergie circule, un mouvement binaire, un cycle, une succession d'états jamais définitifs.

En deuxième lieu, difficile aussi de ne pas penser à Epicure quand le Tao Te King énonce « Celui riche et honoré, qui se fait arrogant, prépare sa ruine » (IX) ou « Une salle remplie d'or et de jade, personne ne peut la garder. La recherche des biens difficiles à obtenir entraîne l'homme à se nuire. » (XII). le sage, se place en bas (XXII), « Sur la pointe des pieds on perd son équilibre .» (XXIV), mais comme l'eau il érode le dur apparent.

Troisièmement, le rapprochement le plus « naturel » est celui qui peut être opéré avec le stoïcisme. L'école athénienne du portique, prolongée par le stoïcisme romain « impérial » considère qu'il existe un ordre cosmique, parfait. L'homme qui ne constitue qu'un minuscule élément de cet ordre doit se conformer à celui-ci et il y a trouvera son bonheur, loin de l'agitation et des excès.

Et on est surpris que Marcel Conche n'ait pas triangulé avec Marc Aurèle, Héraclite et Lao Tseu !

« Les choses tendent, les unes, à devenir, les autres, à être devenues ; de ce qui devient, quelque chose a déjà disparu ; des écoulements, des altérations rajeunissent sans cesse le monde, de même que le mouvement incessant du temps produit, toujours neuve, à durée infinie.
Dans ce fleuve, comment donner une valeur à ces objets fuyants, puisqu'on ne peut s'arrêter à aucun d'eux. » (Marc Aurèle Pensées VI-Les Stoïciens Ed La Pleiade p. 1 181)

Enfin, une connexion peut être aussi établie avec Montaigne.
Ainsi, comme le souligne André Comte Sponville dans son « Dictionnaire amoureux de Montaigne » ce dernier est un « maitre zen en Occident » (p.60), « le plus chinois des penseurs occidentaux » (p.108).

Sur que nos sages antiques auraient opiné fraternellement au propos de Montaigne « Le monde n'est qu'une branloire perenne. Toutes les choses y branlent sans cesse, les rochers du Caucase, les pyramides d'Egypte ; et du branle public, et du leur. La constance mesme n'est autre chose qu'un branle plus languissant. Je ne ne puis asseurer mon object : il va trouble et chancelant, d'une yvresse naturelle. Je le prens en ce poinct comme il est, en l'instant que je m'amuse à luy. Je ne peins pas l'estre, je peins le passage : non un passage d'aage en autre, ou comme dict le peuple, de sept en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute. » (Les Essais III. 2. ed La Pleiade p.844 et 845)

ACS évoque plutôt des passerelles avec le bouddhisme mais la philosophie des Essais est complètement soluble dans le principe du non agir (« wu wei »), principe essentiel du Tao, principe fort dérangeant pour la pensée occidentale...

L'univers du Tao, est à l'opposé de cette pensée dite rationnelle.
Cogito ergo sum...je pense donc je suis...tout un monde construit sur l'egologie, le moi tout puissant qui maîtrise...Tout le contraire avec le Tao….

Le non agir n'est pas l'inaction ou une forme de procrastination.

« C'est pourquoi Le Sage pratique le non agir » (II) le non agir s'impose du fait de l'union des contraires.  Lui-même agit sans agir » (III).

Il faut agir en harmonie avec la Voie « Celui qui va selon la Voie, son chemin ne fait qu'un avec la Voie » (XXIII). le respect de cet ordre naturel « Pour gouverner les hommes et servir le Ciel, rien de mieux que la modération » (LIX) et « On gouverne un grand Etat comme on fait frire de petits poissons » (LX).

Même sans pouvoir se retirer et méditer comme Montaigne dans sa tour bibliothèque ou Thoreau dans sa cabane au bord du lac, le Tao Te King, offre au lecteur un pare feu spirituel contre la fureur, l'agitation ambiantes si souvent stériles.

Par conséquent un livre infiniment précieux et une mise en perspective de Marcel Conche très inspirante
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